Burnt Weeny Sandwich (1970)

[Ayler]

Frank Zappa & The Mothers Of Invention : Burnt Weeny Sandwich (1970)



1. WPLJ (Four Deuces) - 2:52
2. Igor's Boogie, Phase One - 0:36
3. Overture To A Holiday In Berlin - 1:27
4. Theme From Burnt Weeny Sandwich - 4:32
5. Igor's Boogie, Phase Two - 0:36
6. Holiday In Berlin, Full Blown - 6:24
7. Aybe Sea - 2:46

Face 2

1. The Little House I Used To Live In - 18:41
2. Valarie (Jackie & The Starlites) - 3:14


Frank Zappa: Guitar, Vocals
Lowell George: Guitar, Vocals
Roy Estrada: Bass, Vocals
Don Preston: Keyboards, Minimoog
Ian Underwood: Keyboards, Clarinet, Piano
Buzz Gardner: Trumpet
Bunk Gardner: Woodwinds
Motorhead Sherwood: Saxophone, Vocals
Jimmy Carl Black: Drums, Trumpet, Vocals
Art Tripp: Drums, Percussion
Sugar Cane Harris: Violin Solo on "Little House I Used To Live In"
Gabby Furggy (Janet Ferguson) sings "Dit-Dit-Doo-Way-Doo" on "WPLJ"


Paru début 1970, "Burnt Weeny Sandwich" est en fait un album d'inédits des Mothers Of Invention, contenant toutefois du matériel relativement récent du groupe.
Ce "tout petit sandwich brûlé" est agencé de façon un peu déroutante (c'est du Zappa...) mais ne manque pas de saveur. Comme pour la plupart des sandwichs, le pain n'est pas forcément la partie qu'on préfère : "WPLJ" (White Port & Lemon Juice) et "Valarie" sont deux reprises de doo-wop, style musical un peu grotesque mais si cher à notre moustachu. Il y a des pains de plus mauvaise qualité !

Les deux phases de l'"Igor's Boogie" sont d'un tout autre niveau. Zappa introduit là encore la musique contemporaine dans l'univers du rock (le titre fait référence à Igor Stravinsky), avec deux mouvements très courts qui constituent une sauce onctueuse.

Frank Zappa joue un long solo de guitare sur "Theme From Burnt Weeny Sandwich", armé de son inséparable wah wah. Ce sont ici les percussions qui distinguent en tout point son travail des soli qu'on pouvait entendre sur les albums de ses collègues guitaristiques de l'époque.

"Overture To A Holiday In Berlin" offre une mélodie désuète dont l'interprétation est décalée. "Holiday In Berlin, Full Blown", qu'on retrouve quelques plages plus tard nous montre à quel point Ian Underwood est un brillant instrumentiste. Comme sur "Hot Rats" serais-je tenté d'écrire - à une grosse différence près toutefois : la rythmique des Mothers exclut par nature les courbes du jazz et du r'n'b. FZ signe un deuxième solo à la wah wah.

Sur "Aybe Sea", l'écriture de Zappa se fait presque précieuse. Ian Underwood signe une fois de plus un solo de premier ordre...

... qui nous dirige vers le plat de résistance de notre sandwich : "The Little House I Used To Live In", dont l'introduction en piano solo d'Underwood est superbe. Le titre est un collage musical typique de Zappa, qui mélange rock et écriture contemporaine. Après un court solo de FZ à la wah wah, Sugar Cane Harris livre un solo de violon électrique titanesque, rappelant son travail sur "Hot Rats", le swing en moins : la section rythmique est incroyablement raide, mais le contraste opère bien. Interrompu un moment par un solo de Don Preston que n'aurait peut-être pas renié Cecil Taylor, Sugar Cane Harris va plus loin encore, réussissant à réunir terre (les racines du blues) et espace (la liberté du free) dans un solo incroyable. Etrangement méconnu (alors qu'il a aussi joué avec John Mayall), Sugar Cane Harris reste à mon sens l'un des meilleurs solistes de Zappa. A 13:36, un nouveau collage nous renvoie aux préoccupations d'écriture de Zappa, qui clôt le titre par une intervention publique restée célèbre : à un spectateur allumé qui crie "Retire ce putain d'uniforme avant qu'il soit trop tard !" (sans doute à un membre de la sécurité), Zappa répond : "Tout le monde ici porte un uniforme, ne te fais pas d'illusion." Le spectateur ne retrouvant pas son calme, Zappa conclut en lui disant : "Tu vas te faire mal à la gorge. Arrête !"

[Brian Taylor]

Quelle bombe celui ci...Little House I Used To Live In n'est pas seulement tellement en avance sur son temps que c'en est déconcertant, c'est aussi peut être un de mes morceaux préférés, toutes catégories confondues. Oui, ça dure 18 minutes, et pourtant chacune des innombrables parties différentes du morceau sont suffisamment longues pour pouvoir être correctement développées, et suffisamment courtes pour qu'on ne s'ennuie pas. Un morceau majeur de cette deuxième moitié de 20eme siècle. Zappa était un précurseur, (mais peut-on dire précurseur quand personne ne va aussi loin après coup?) dans tout un tas de domaines, nous le savons déjà, mais son talent de producteur dépasse tout ici, dans le domaine de collages sonores, d'organisation de bandes, je ne vois de concurrent contemporain que Brian Wilson à l'époque SMiLE. Le morceau tel qu'il était joué live à l'époque était pour le moins très différent, ici il y a des séquences live enregistrées en deux pistes collées aux expérimentations studio les plus folles, et toutes ces 18 minutes sont cohérentes. Un très très grand moment. Si il y a un album des Mothers que je conseille à tout le monde, c'est bien celui-ci.

[upfromtheskies]

Chronique dans R&F 39 d'avril 70:

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