Ballads (1963)
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Ballads (1963)
Ballads (1963)
Face 1
1. Say It (Over And Over Again) - 4:18
2. You Don't Know What Love Is - 5:15
3. Too Young To Go Steady - 4:23
4. All Or Nothing At All - 3:38
Face 2
1. I Wish I Knew - 4:54
2. What's New - 3:47
3. It's Easy To Remember - 2:49
4. Nancy (With The Laughing Face) - 3:10
Personnel :
John Coltrane — saxophone ténor
McCoy Tyner — piano
Jimmy Garrison — contrebasse
Elvin Jones — batterie
"Ballads" (Impulse AS-32) a été enregistré au studio de Rudy Van Gelder dans le New Jersey.
- "It's Easy To Remember" : session du 21 décembre 1961.
- "What's New" et "Nancy (With The Laughing Face)" : session du 18 septembre 1962.
- Les autres titres : session du 13 novembre 1962.
"Après toutes ces années à jouer, j'en suis arrivé à la conclusion qu'une des choses les plus difficiles à faire est de jouer la mélodie telle qu'elle est écrite, et la jouer bien, avec un bon son et du feeling." Cette phrase de Donald Byrd, citée par Gene Lees dans les notes de pochette originales de "Ballads" résume à la perfection son contenu. Coltrane interprète ici des chansons, collant la plupart du temps de très près au chant, qu'il magnifie du lyrisme de son ténor comme seuls les plus grands jazzmen savent le faire - à commencer par Miles Davis, le meilleur d'entre tous à cet exercice.
De chant, il en est véritablement question dans cet album. Coltrane joue le plus souvent ses ballades dans un style pré-bebop, où l'exposé de la mélodie prime sur la recherche harmonique. Exceptés "What's New" et "You Don't Know What Love Is", le matériel choisi par Coltrane n'était pas alors courant chez les jazzmen. Les chansons sont vraiment à l'honneur :
- "All Or Nothing At All" et "Nancy (With The Laughing Face)" appartiennent au répertoire de Sinatra ;
- "Too Young To Go Steady" a été l'un des grands succès de Nat Cole ;
- Quant à "It's Easy To Remember", la version de Coltrane est, selon Francis Davis, habitée par celle de Billie Holiday.
Sur "Ballads", le jeu de Coltrane est épuré, émouvant, voire même bouleversant. "You Don't Know What Love Is", ma plage préférée, constitue à mon sens l'un des sommets de sa carrière.
Publié presque en même temps que "Duke Ellington & John Coltrane", "Ballads" marque un revirement étonnant de la part de Coltrane, qui était alors à la pointe en tant que musicien, leader et instrumentiste. Aujourd'hui encore, il y a débat sur les considérations qui ont (ou non) poussé Coltrane à enregistrer ce que beaucoup considèrent comme une trilogie d'albums de ballades ("Duke Ellington & John Coltrane", "Ballads" et "John Coltrane & Johnny Hartman").
Son entretien avec Frank Kofsky apporte certains éléments de réponses :
Frank Kofsky : Après "Chasin' The Trane" puis "Impressions", vous avez changé de rythme. Vous vous souvenez ? Vous avez fait l'album avec Duke Ellington et "Ballads", puis l'album avec le chanteur Johnny Hartman. Qui a eu l'idée de ces projets ? Vous ou le producteur Bob Thiele ?
John Coltrane : Je vais vous dire. A l'époque, j'étais en pleine crise. J'ai fait une idiotie. Je n'étais pas satisfait de mon embouchure, je l'ai donnée à réparer mais elle est revenue ruinée. Ça m'a découragé parce que je ne pouvais plus obtenir certains effets – cette espèce de truc plus rapide que j'essayais d'atteindre – et je devais me limiter. En fait, je n'ai jamais retrouvé une telle embouchure et puis au bout d'un moment, je me suis dit : bon, tant pis, je dois continuer et faire du mieux que je peux. Mais à ce moment, c'était tellement clair dans mon esprit – et tellement différent de ce que j'obtenais avec mon saxophone – c'était tellement clair que j'étais incapable de jouer. Dès que je commençais à jouer, je l'entendais dans ma tête et ça me décourageait. Mais au bout d'un an environ, j'avais oublié.
(…)
Frank Kofsky : Est-ce que la réaction d'Impulse! face à ces critiques [Down Beat avait été particulièment sévère quant à sa formation avec Eric Dolphy] a quelque chose à voir avec tous ces disques dont nous avons parlé?
John Coltrane : Les ballades et tout ça ?
Frank Kofsky : Oui.
John Coltrane : Je ne sais pas. Je crois qu'Impulse! avait envie de cette espèce d'équilibre, d'avoir un catalogue diversifié et je n'avais absolument rien contre. Encore aujourd'hui, la plupart des chansons que j'écris, des morceaux que je considère comme des chansons, sont des ballades. J'aime beaucoup ça. Ces ballades qui sont sorties étaient tout à fait celles que j'appréciais à l'époque. Je les ai choisies. C'était comme quelque chose qui était enfoui dans mon esprit, depuis ma jeunesse sans doute, et j'avais besoin de les jouer. C'est arrivé à un moment où ma confiance dans mon instrument avait baissé, j'avais besoin de faire le vide. Et ça faisait longtemps que je pensais à Johnny Hartman. Il y avait quelque chose qui me plaisait, je ne sais pas quoi. J'aimais son son, c'était quelque chose que je voulais entendre. Je suis allé le voir et on a fait cet album. Vraiment, je ne regrette pas un seul de ces disques. La seule chose que je regrette est de ne pas avoir gardé la même attitude : je vais le faire, peu importe quoi. C'était mon attitude à mes débuts mais comme je l'ai dit, tout ça est arrivé pour un tas de raisons.
Selon les notes de pochettes de la réédition "Deluxe" les problèmes de bec de Coltrane ont peut-être été amplifiés par des soucis d'une autre nature : ses dents. Mais, ainsi que Francis Davis (l'auteur des notes en question) le constate, la théorie du Coltrane diminué instrumentalement pose problème à beaucoup d'observateurs : jouer des ballades, où la maîtrise technique se doit d'être parfaite, fait que cette hypothèse tient difficilement la route - surtout au regard des prestations Live de Coltrane alors.
Bob Thiele, le producteur de Coltrane, a déclaré par la suite qu'il était à l'origine de ces albums - qui seraient donc des albums de commande, dont un des buts était de rendre les critiques moins hostiles à Coltrane. Si c'était le cas, ce serait un échec : Down Beat n'accorda que deux étoiles à "Ballads", pour le jeu de McCoy Tyner.
Il est intéressant de noter les problèmes de bec de Coltrane l'ont manifestement beaucoup contrarié. Pharoah Sanders raconte qu'une des premières fois où il a rencontré Coltrane, ce dernier essayait toutes sortes de becs dans un magasin, n'étant satisfait d'aucun - alors que selon Pharoah, son jeu était extraordinaire. Pour des raisons qui lui sont propres, Coltrane avait manifestement perdu de sa confiance, et semblait avoir besoin de se poser, pour mieux rebondir.
Considérer uniquement "Ballads" comme un disque de commande commercial (ce qu'il est dans une certaine mesure) serait toutefois passer complètement à coté de l'essentiel : Coltrane investit les huit compositions de son âme. L'attitude de Coltrane dans les mois qui suivront plaide pour son intégrité totale - de même que son premier album, enregistré 5 ans plus tôt, où il montrait déjà son intérêt pour le genre.
Enfin, "Ballads" est illuminé par le talent des partenaires de John. La sensibilité pianistique de McCoy Tyner et le jeu de balais d'Elvin Jones sont à la hauteur de la prestation de leur leader.
Face 1
1. Say It (Over And Over Again) - 4:18
2. You Don't Know What Love Is - 5:15
3. Too Young To Go Steady - 4:23
4. All Or Nothing At All - 3:38
Face 2
1. I Wish I Knew - 4:54
2. What's New - 3:47
3. It's Easy To Remember - 2:49
4. Nancy (With The Laughing Face) - 3:10
Personnel :
John Coltrane — saxophone ténor
McCoy Tyner — piano
Jimmy Garrison — contrebasse
Elvin Jones — batterie
"Ballads" (Impulse AS-32) a été enregistré au studio de Rudy Van Gelder dans le New Jersey.
- "It's Easy To Remember" : session du 21 décembre 1961.
- "What's New" et "Nancy (With The Laughing Face)" : session du 18 septembre 1962.
- Les autres titres : session du 13 novembre 1962.
"Après toutes ces années à jouer, j'en suis arrivé à la conclusion qu'une des choses les plus difficiles à faire est de jouer la mélodie telle qu'elle est écrite, et la jouer bien, avec un bon son et du feeling." Cette phrase de Donald Byrd, citée par Gene Lees dans les notes de pochette originales de "Ballads" résume à la perfection son contenu. Coltrane interprète ici des chansons, collant la plupart du temps de très près au chant, qu'il magnifie du lyrisme de son ténor comme seuls les plus grands jazzmen savent le faire - à commencer par Miles Davis, le meilleur d'entre tous à cet exercice.
De chant, il en est véritablement question dans cet album. Coltrane joue le plus souvent ses ballades dans un style pré-bebop, où l'exposé de la mélodie prime sur la recherche harmonique. Exceptés "What's New" et "You Don't Know What Love Is", le matériel choisi par Coltrane n'était pas alors courant chez les jazzmen. Les chansons sont vraiment à l'honneur :
- "All Or Nothing At All" et "Nancy (With The Laughing Face)" appartiennent au répertoire de Sinatra ;
- "Too Young To Go Steady" a été l'un des grands succès de Nat Cole ;
- Quant à "It's Easy To Remember", la version de Coltrane est, selon Francis Davis, habitée par celle de Billie Holiday.
Sur "Ballads", le jeu de Coltrane est épuré, émouvant, voire même bouleversant. "You Don't Know What Love Is", ma plage préférée, constitue à mon sens l'un des sommets de sa carrière.
Publié presque en même temps que "Duke Ellington & John Coltrane", "Ballads" marque un revirement étonnant de la part de Coltrane, qui était alors à la pointe en tant que musicien, leader et instrumentiste. Aujourd'hui encore, il y a débat sur les considérations qui ont (ou non) poussé Coltrane à enregistrer ce que beaucoup considèrent comme une trilogie d'albums de ballades ("Duke Ellington & John Coltrane", "Ballads" et "John Coltrane & Johnny Hartman").
Son entretien avec Frank Kofsky apporte certains éléments de réponses :
Frank Kofsky : Après "Chasin' The Trane" puis "Impressions", vous avez changé de rythme. Vous vous souvenez ? Vous avez fait l'album avec Duke Ellington et "Ballads", puis l'album avec le chanteur Johnny Hartman. Qui a eu l'idée de ces projets ? Vous ou le producteur Bob Thiele ?
John Coltrane : Je vais vous dire. A l'époque, j'étais en pleine crise. J'ai fait une idiotie. Je n'étais pas satisfait de mon embouchure, je l'ai donnée à réparer mais elle est revenue ruinée. Ça m'a découragé parce que je ne pouvais plus obtenir certains effets – cette espèce de truc plus rapide que j'essayais d'atteindre – et je devais me limiter. En fait, je n'ai jamais retrouvé une telle embouchure et puis au bout d'un moment, je me suis dit : bon, tant pis, je dois continuer et faire du mieux que je peux. Mais à ce moment, c'était tellement clair dans mon esprit – et tellement différent de ce que j'obtenais avec mon saxophone – c'était tellement clair que j'étais incapable de jouer. Dès que je commençais à jouer, je l'entendais dans ma tête et ça me décourageait. Mais au bout d'un an environ, j'avais oublié.
(…)
Frank Kofsky : Est-ce que la réaction d'Impulse! face à ces critiques [Down Beat avait été particulièment sévère quant à sa formation avec Eric Dolphy] a quelque chose à voir avec tous ces disques dont nous avons parlé?
John Coltrane : Les ballades et tout ça ?
Frank Kofsky : Oui.
John Coltrane : Je ne sais pas. Je crois qu'Impulse! avait envie de cette espèce d'équilibre, d'avoir un catalogue diversifié et je n'avais absolument rien contre. Encore aujourd'hui, la plupart des chansons que j'écris, des morceaux que je considère comme des chansons, sont des ballades. J'aime beaucoup ça. Ces ballades qui sont sorties étaient tout à fait celles que j'appréciais à l'époque. Je les ai choisies. C'était comme quelque chose qui était enfoui dans mon esprit, depuis ma jeunesse sans doute, et j'avais besoin de les jouer. C'est arrivé à un moment où ma confiance dans mon instrument avait baissé, j'avais besoin de faire le vide. Et ça faisait longtemps que je pensais à Johnny Hartman. Il y avait quelque chose qui me plaisait, je ne sais pas quoi. J'aimais son son, c'était quelque chose que je voulais entendre. Je suis allé le voir et on a fait cet album. Vraiment, je ne regrette pas un seul de ces disques. La seule chose que je regrette est de ne pas avoir gardé la même attitude : je vais le faire, peu importe quoi. C'était mon attitude à mes débuts mais comme je l'ai dit, tout ça est arrivé pour un tas de raisons.
Selon les notes de pochettes de la réédition "Deluxe" les problèmes de bec de Coltrane ont peut-être été amplifiés par des soucis d'une autre nature : ses dents. Mais, ainsi que Francis Davis (l'auteur des notes en question) le constate, la théorie du Coltrane diminué instrumentalement pose problème à beaucoup d'observateurs : jouer des ballades, où la maîtrise technique se doit d'être parfaite, fait que cette hypothèse tient difficilement la route - surtout au regard des prestations Live de Coltrane alors.
Bob Thiele, le producteur de Coltrane, a déclaré par la suite qu'il était à l'origine de ces albums - qui seraient donc des albums de commande, dont un des buts était de rendre les critiques moins hostiles à Coltrane. Si c'était le cas, ce serait un échec : Down Beat n'accorda que deux étoiles à "Ballads", pour le jeu de McCoy Tyner.
Il est intéressant de noter les problèmes de bec de Coltrane l'ont manifestement beaucoup contrarié. Pharoah Sanders raconte qu'une des premières fois où il a rencontré Coltrane, ce dernier essayait toutes sortes de becs dans un magasin, n'étant satisfait d'aucun - alors que selon Pharoah, son jeu était extraordinaire. Pour des raisons qui lui sont propres, Coltrane avait manifestement perdu de sa confiance, et semblait avoir besoin de se poser, pour mieux rebondir.
Considérer uniquement "Ballads" comme un disque de commande commercial (ce qu'il est dans une certaine mesure) serait toutefois passer complètement à coté de l'essentiel : Coltrane investit les huit compositions de son âme. L'attitude de Coltrane dans les mois qui suivront plaide pour son intégrité totale - de même que son premier album, enregistré 5 ans plus tôt, où il montrait déjà son intérêt pour le genre.
Enfin, "Ballads" est illuminé par le talent des partenaires de John. La sensibilité pianistique de McCoy Tyner et le jeu de balais d'Elvin Jones sont à la hauteur de la prestation de leur leader.
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