Time Out Of Mind (1997)
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Time Out Of Mind (1997)
Bob Dylan : Time Out Of Mind (1997)
1. Love Sick
2. Dirt Road Blues
3. Standing In The Doorway
4. Million Miles
5. Tryin' To Get To Heaven
6. 'Til I Fell In Love With You
7. Not Dark Yet
8. Cold Irons Bound
9. Make You Feel My Love
10. Can't Wait
11. Highlands
En 1997, Bob Dylan est âgé de 56 ans et le moins qu’on puisse dire, c’est que sa carrière a pris un étrange tournant. Comme beaucoup, il a traversé très difficilement les années 80, publiant au passage un certain nombre d’albums moyens – voire douteux. La rédemption allait pourtant surgir en 1988 par le biais de George Harrison et des Traveling Wilburys. Plus encore, par l’intermédiaire de Bono, il rencontre le producteur Daniel Lanois, une personnalité musicale forte (ce sera nécessaire pour imposer les bons choix artistiques à Dylan : ce dernier, en véritable tête de mule, avait déjà été capable de retirer les meilleurs titres de l’album INFIDELS quelques années auparavant), avec lequel il va réaliser OH MERCY en 1989, qui sera unanimement reconnu comme un grand disque : au-delà des grandes compositions qui illuminaient cet album, Lanois a su, de manière idéale, allier intimisme et modernité, imposant un casting de musiciens très inspirés… nous y reviendrons.
Les années 90 qui s’annonçaient alors plus prometteuses virent au contraire Dylan se taire. Dylan le compositeur connaît les affres de la page blanche. Après un UNDER THE RED SKY un peu moyen, il se signalera surtout par deux albums consécutifs enregistrés uniquement avec guitare acoustique et harmonica (GOOD AS I BEEN TO YOU et WORLD GONE WRONG). Ces disques contenaient exclusivement des traditionnels plus ou moins obscurs qui l’avaient marqué dans une vie antérieure, le tout avec une production des plus rustiques faisant écho à son tout premier album (BOB DYLAN). Si le résultat est plutôt émouvant, force est de reconnaître que Bob Dylan semble alors ne plus avoir grand-chose de nouveau à proposer.
C’est dans ce contexte que courant 1997, la rumeur s’amplifie rapidement : Bob Dylan travaille de nouveau avec Daniel Lanois, ce qui laisse augurer du meilleur, compte tenu de la réussite totale de leur précédente collaboration. L’actualité va pourtant prendre une toute autre tournure pour le musicien : il est hospitalisé pour une infection cardiaque qui a failli lui coûter la vie. A peine remis, il confiera d’ailleurs avoir bien cru qu’il allait rejoindre Elvis… L’album paraît au cours de cette période où Dylan est convalescent : parmi les musiciens, Tony Garnier est à la basse, Jim Keltner, Brian Blade, David Kemper à la batterie, Duke Robillard, Daniel Lanois, Bucky Baxter, Robert Britt aux guitares, Jim Dickinson aux claviers. Bob Dylan aux guitares, piano et harmonica.
A l’écoute, on est immédiatement frappé par l’ambiance générale, très sombre, l’ambiance de l’album est unique, très profonde au point d’en être parfois sépulcrale. La voix de Dylan y est pour beaucoup. On avait pu oublier qu’il était aussi capable d’une telle puissance émotionnelle, cette voix qui avait si souvent péché sur tant de disques bâclés. Ici elle s’avère des plus poignantes de bout en bout. L’implication du chanteur est totale : il est bouleversant sur « Tryin’ To Get To Heaven » - « J’essaie d’atteindre le Paradis avant qu’ils ne ferment la porte ». Bob Dylan a dit que ce pouvait être un album sur la rupture, amoureuse peut-être, sa rupture avec le monde aussi, qu’il a failli quitter. Les chansons parlent d’amour perdu ou sans espoir, elles confient aussi des impressions sur ce monde qui lui semble désormais si étrange, pour ne pas dire étranger. Le temps n’est plus aux chroniques sociales, mais l’homme n’a rien perdu de son goût pour les ballades surréalistes confinant à l’absurde. Musicalement, l’équilibre est idéal entre les influences country (« Standing In The Doorway », « Tryin’ To Get To Heaven », « Not Dark Yet »…) et blues (« Million Miles », « ‘Til I Fell In Love With You »). Le ton est même parfois rageur (« Cold Irons Bound »).
Le premier titre « Love Sick » donne le ton, une longue complainte bluesy en mineur, désespérée, où il figure un observateur silencieux du monde, alors qu’il marche le long de rues qui sont mortes. « Je vois des amants dans la prairie, je vois des silhouettes à la fenêtre. Je les observe jusqu’à ce qu’ils soient partis, et ils me laissent suspendus à une ombre… ». Les musiciens, tout en retenue, contribuent également au climat, où les guitares se mêlent subtilement à l’orgue Hammond et au piano électrique. C’est un chef-d’œuvre, un titre à la hauteur des « Blind Willie McTell » ou « Desolation Row ». Tout le long de l’album, on retrouve cette qualité exceptionnelle, aussi bien par cette ballade déchirante qu’est « Standing In The Doorway » que lors de cette promenade hallucinée qu’est « Highlands », une pièce de 16 minutes (« c’est la version courte », avait répondu sèchement Dylan à sa maison de disque qui l’interpellait sur la longueur du titre…) où le conteur de l’absurde retrouve ses plus haut sommets des années 60.
Comme pour l’album « OH MERCY », les choix de Daniel Lanois se révèlent parfaits, les musiciens intervenant à chaque fois pour le meilleur en donnant une cohérence sonore au-delà de la diversité des morceaux interprétés, ainsi qu’on peut l’entendre sur « Million Miles », un blues où l’interaction entre l’orgue et la guitare souligne idéalement cette dérive d’une histoire d’amour sans issue possible (« J’espère me rapprocher mais suis toujours à un million de miles de toi »).
Chaque morceau s’égrène de manière lancinante, entre promenades désenchantées et quête d’un absolu qui toujours se révèle plus inaccessible. Depuis l’avènement du CD, nombre d’artistes se sont souvent sentis obligés de « remplir » les albums (70 ou 80 minutes, souvent le double des albums d’il y a une génération), les rendant plus ou moins imbuvables et perdant beaucoup en densité : ici, alors qu’effectivement TIME OUT OF MIND totalise 73 minutes, pas la moindre baisse d’intensité ne se fait sentir – autre coup de maître sur un disque dont la construction est sans faille, les titres s’enchaînant avec le plus grand bonheur.
En conclusion, cet album est un chef-d’œuvre, un des sommets des années 90, mieux, il figure vraisemblablement parmi les cinq meilleurs albums du Maître, aux côtés des classiques depuis longtemps reconnus que sont HIGHWAY 61 REVISITED, BLONDE ON BLONDE ou BLOOD ON THE TRACKS. Il a su magnifiquement intégrer l'âge à sa musique pour livrer ce superbe album crépusculaire.
1. Love Sick
2. Dirt Road Blues
3. Standing In The Doorway
4. Million Miles
5. Tryin' To Get To Heaven
6. 'Til I Fell In Love With You
7. Not Dark Yet
8. Cold Irons Bound
9. Make You Feel My Love
10. Can't Wait
11. Highlands
En 1997, Bob Dylan est âgé de 56 ans et le moins qu’on puisse dire, c’est que sa carrière a pris un étrange tournant. Comme beaucoup, il a traversé très difficilement les années 80, publiant au passage un certain nombre d’albums moyens – voire douteux. La rédemption allait pourtant surgir en 1988 par le biais de George Harrison et des Traveling Wilburys. Plus encore, par l’intermédiaire de Bono, il rencontre le producteur Daniel Lanois, une personnalité musicale forte (ce sera nécessaire pour imposer les bons choix artistiques à Dylan : ce dernier, en véritable tête de mule, avait déjà été capable de retirer les meilleurs titres de l’album INFIDELS quelques années auparavant), avec lequel il va réaliser OH MERCY en 1989, qui sera unanimement reconnu comme un grand disque : au-delà des grandes compositions qui illuminaient cet album, Lanois a su, de manière idéale, allier intimisme et modernité, imposant un casting de musiciens très inspirés… nous y reviendrons.
Les années 90 qui s’annonçaient alors plus prometteuses virent au contraire Dylan se taire. Dylan le compositeur connaît les affres de la page blanche. Après un UNDER THE RED SKY un peu moyen, il se signalera surtout par deux albums consécutifs enregistrés uniquement avec guitare acoustique et harmonica (GOOD AS I BEEN TO YOU et WORLD GONE WRONG). Ces disques contenaient exclusivement des traditionnels plus ou moins obscurs qui l’avaient marqué dans une vie antérieure, le tout avec une production des plus rustiques faisant écho à son tout premier album (BOB DYLAN). Si le résultat est plutôt émouvant, force est de reconnaître que Bob Dylan semble alors ne plus avoir grand-chose de nouveau à proposer.
C’est dans ce contexte que courant 1997, la rumeur s’amplifie rapidement : Bob Dylan travaille de nouveau avec Daniel Lanois, ce qui laisse augurer du meilleur, compte tenu de la réussite totale de leur précédente collaboration. L’actualité va pourtant prendre une toute autre tournure pour le musicien : il est hospitalisé pour une infection cardiaque qui a failli lui coûter la vie. A peine remis, il confiera d’ailleurs avoir bien cru qu’il allait rejoindre Elvis… L’album paraît au cours de cette période où Dylan est convalescent : parmi les musiciens, Tony Garnier est à la basse, Jim Keltner, Brian Blade, David Kemper à la batterie, Duke Robillard, Daniel Lanois, Bucky Baxter, Robert Britt aux guitares, Jim Dickinson aux claviers. Bob Dylan aux guitares, piano et harmonica.
A l’écoute, on est immédiatement frappé par l’ambiance générale, très sombre, l’ambiance de l’album est unique, très profonde au point d’en être parfois sépulcrale. La voix de Dylan y est pour beaucoup. On avait pu oublier qu’il était aussi capable d’une telle puissance émotionnelle, cette voix qui avait si souvent péché sur tant de disques bâclés. Ici elle s’avère des plus poignantes de bout en bout. L’implication du chanteur est totale : il est bouleversant sur « Tryin’ To Get To Heaven » - « J’essaie d’atteindre le Paradis avant qu’ils ne ferment la porte ». Bob Dylan a dit que ce pouvait être un album sur la rupture, amoureuse peut-être, sa rupture avec le monde aussi, qu’il a failli quitter. Les chansons parlent d’amour perdu ou sans espoir, elles confient aussi des impressions sur ce monde qui lui semble désormais si étrange, pour ne pas dire étranger. Le temps n’est plus aux chroniques sociales, mais l’homme n’a rien perdu de son goût pour les ballades surréalistes confinant à l’absurde. Musicalement, l’équilibre est idéal entre les influences country (« Standing In The Doorway », « Tryin’ To Get To Heaven », « Not Dark Yet »…) et blues (« Million Miles », « ‘Til I Fell In Love With You »). Le ton est même parfois rageur (« Cold Irons Bound »).
Le premier titre « Love Sick » donne le ton, une longue complainte bluesy en mineur, désespérée, où il figure un observateur silencieux du monde, alors qu’il marche le long de rues qui sont mortes. « Je vois des amants dans la prairie, je vois des silhouettes à la fenêtre. Je les observe jusqu’à ce qu’ils soient partis, et ils me laissent suspendus à une ombre… ». Les musiciens, tout en retenue, contribuent également au climat, où les guitares se mêlent subtilement à l’orgue Hammond et au piano électrique. C’est un chef-d’œuvre, un titre à la hauteur des « Blind Willie McTell » ou « Desolation Row ». Tout le long de l’album, on retrouve cette qualité exceptionnelle, aussi bien par cette ballade déchirante qu’est « Standing In The Doorway » que lors de cette promenade hallucinée qu’est « Highlands », une pièce de 16 minutes (« c’est la version courte », avait répondu sèchement Dylan à sa maison de disque qui l’interpellait sur la longueur du titre…) où le conteur de l’absurde retrouve ses plus haut sommets des années 60.
Comme pour l’album « OH MERCY », les choix de Daniel Lanois se révèlent parfaits, les musiciens intervenant à chaque fois pour le meilleur en donnant une cohérence sonore au-delà de la diversité des morceaux interprétés, ainsi qu’on peut l’entendre sur « Million Miles », un blues où l’interaction entre l’orgue et la guitare souligne idéalement cette dérive d’une histoire d’amour sans issue possible (« J’espère me rapprocher mais suis toujours à un million de miles de toi »).
Chaque morceau s’égrène de manière lancinante, entre promenades désenchantées et quête d’un absolu qui toujours se révèle plus inaccessible. Depuis l’avènement du CD, nombre d’artistes se sont souvent sentis obligés de « remplir » les albums (70 ou 80 minutes, souvent le double des albums d’il y a une génération), les rendant plus ou moins imbuvables et perdant beaucoup en densité : ici, alors qu’effectivement TIME OUT OF MIND totalise 73 minutes, pas la moindre baisse d’intensité ne se fait sentir – autre coup de maître sur un disque dont la construction est sans faille, les titres s’enchaînant avec le plus grand bonheur.
En conclusion, cet album est un chef-d’œuvre, un des sommets des années 90, mieux, il figure vraisemblablement parmi les cinq meilleurs albums du Maître, aux côtés des classiques depuis longtemps reconnus que sont HIGHWAY 61 REVISITED, BLONDE ON BLONDE ou BLOOD ON THE TRACKS. Il a su magnifiquement intégrer l'âge à sa musique pour livrer ce superbe album crépusculaire.
Dernière édition par Rising Sun le 14.07.08 3:10, édité 2 fois
Re: Time Out Of Mind (1997)
Merci Rising !
Superbe album de Dylan ! Un de mes préférés, qu'il aura fallu attendre longtemps... comme quoi !
Superbe album de Dylan ! Un de mes préférés, qu'il aura fallu attendre longtemps... comme quoi !
Electric Thing- Messages : 2628
Date d'inscription : 15/04/2008
Age : 53
Localisation : Légèrement à gauche de Saturne !
Re: Time Out Of Mind (1997)
Superbe chronique ! écouté ce disque une ou deux fois, je l'aime bien malgré la voix de Dylan qui est très particulière, elle se fond parfaitement dans cette ambiance très épuré...un album très relax, méditatif.
Bloomers- Messages : 2749
Date d'inscription : 15/04/2008
Age : 49
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