Décès de Claude Nobs
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Décès de Claude Nobs
Le Montreux Jazz Festival est orphelin
Claude Nobs, fondateur du Montreux Jazz Festival, est décédé cette nuit.Il était dans le coma depuis Noël suite à une mauvaise chute à ski.
Le festival qui va bientôt souffler ses 50 bougies perd son fondateur et membre le plus influent. Il a été directeur de Warner, il hébergeait régulièrement les musiciens du festival...qui préféraient se faire dorloter par le cuisinier maison et profiter de revoir des images d'archives du jazz dans la salle de projection de 30 places de l' un de ses deux chalets de Caux (juste au-dessus de Montreux). S'il n'était plus le seul à la tête de la programmation du festival, il n'en demeurait pas moins LA personne de référence pour les managers/artistes/projets/sponsors... Il y en a même qui doutent de l'avenir du festival...
Un Monsieur s' en est allé...
(source Zégut)
Claude Nobs, fondateur du Montreux Jazz Festival, est décédé cette nuit.Il était dans le coma depuis Noël suite à une mauvaise chute à ski.
Le festival qui va bientôt souffler ses 50 bougies perd son fondateur et membre le plus influent. Il a été directeur de Warner, il hébergeait régulièrement les musiciens du festival...qui préféraient se faire dorloter par le cuisinier maison et profiter de revoir des images d'archives du jazz dans la salle de projection de 30 places de l' un de ses deux chalets de Caux (juste au-dessus de Montreux). S'il n'était plus le seul à la tête de la programmation du festival, il n'en demeurait pas moins LA personne de référence pour les managers/artistes/projets/sponsors... Il y en a même qui doutent de l'avenir du festival...
Un Monsieur s' en est allé...
(source Zégut)
Blueleader- Messages : 7793
Date d'inscription : 24/02/2010
Age : 61
Localisation : entre mulhouse et belfort
Re: Décès de Claude Nobs
C'est triste...la musique perd un grand Monsieur...
Norbert- Messages : 6026
Date d'inscription : 26/05/2010
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Re: Décès de Claude Nobs
RIP Funky Claude !
En, plus, à cause d'une chute à ski quoi...
En, plus, à cause d'une chute à ski quoi...
Tiger- Messages : 2058
Date d'inscription : 03/08/2011
Age : 27
Localisation : 77
Re: Décès de Claude Nobs
Comme Ernest Chausson à cause d'un accident de vélo à la con (pour ceux qui connaissent ce grand compositeur Français, un géni)
Re: Décès de Claude Nobs
Je l'ai vu en juillet à Montreux, petit lutin passionné habillé comme les artistes qui jouent le soir.
Claude Nobs aimait la musique et les musiciens, c'est toute la différence avec certains organisateurs/marchands du temple !
Claude Nobs aimait la musique et les musiciens, c'est toute la différence avec certains organisateurs/marchands du temple !
Re: Décès de Claude Nobs
Tontonjimi a écrit:Comme Ernest Chausson à cause d'un accident de vélo à la con (pour ceux qui connaissent ce grand compositeur Français, un géni)
et de roubaix en plongée
R.I.P
Wu wei- Messages : 4680
Date d'inscription : 04/07/2011
Re: Décès de Claude Nobs
Et Esbjorn Svensson d'un accident de plongée également ,en 2008...
Norbert- Messages : 6026
Date d'inscription : 26/05/2010
Age : 60
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Re: Décès de Claude Nobs
Dans les décès à la con il y a aussi Randy California mort de noyade en voulant sauver son fils qui fesait du surf
Re: Décès de Claude Nobs
...et le p'tit Grégory, accident de plongée aussi.
Blueleader- Messages : 7793
Date d'inscription : 24/02/2010
Age : 61
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Re: Décès de Claude Nobs
Tontonjimi a écrit:Rooohhh Blueblue
quelqu'un doit pirater mon compte sur le forum, c'est pas possible...
Blueleader- Messages : 7793
Date d'inscription : 24/02/2010
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Re: Décès de Claude Nobs
Le Monde.fr - 11/01/2013
Hommage à Claude Nobs, fondateur du festival de jazz de Montreux
Finalement, il n'aura pas eu le temps de vieillir. Il avait installé dans son nouveau chalet un ascenseur, pour laisser penser qu'il avait tout prévu, même le déclin. Ça le faisait rire, de s'imaginer en grand-père indigne, dans les fêtes infinies de son perchoir, à rôder canne en main, veiller à la qualité du vin, puis retourner à ses gadgets électroniques pour ne pas manquer un seul train. Claude Nobs aimait marcher avec ses chiens, dans la solitude des matins de Caux, au-dessus de Montreux. Il aimait encore skier – c'est une chute qui a mené, après un coma, à sa mort, cette mort étrange, dont il parlait volontiers. Il avait même prévu, pour ne pas alourdir le quotidien de ses proches, de recourir un jour à l'euthanasie si la nécessité s'en était fait sentir. Mais Nobs est mort bien vivant. Après une ultime édition de son festival, la 46e pour laquelle il s'était particulièrement engagé ; il avait prévu d'ouvrir le bal en tutu de ballerine ou en Reine d'Angleterre, jubilé éternel d'un épicurien.
Il faudrait parler, et on le fera, de sa contribution, des hommages internationaux, de cette histoire folle : un cuisinier de Territet qui devient l'un des maîtres de musique les mieux célébrés dans le monde. Mais ce qui nous revient, à cet instant précis, c'est sa capacité invraisemblable à recevoir. Il accueillait dans ses maisons de bois, des boîtes à bijoux pleines de locomotives miniatures, de juke-box, de sculptures et d'art du pire goût possible. Il servait du saumon, de la viande très rouge, des poissons pêchés dans des étangs de proximité, des Bordeaux vieux, des alcools capiteux, il vous resservait à chaque instant pour être sûr que vous ne manquiez de rien. Il parlait sans cesse, vous questionnait, puis vous amenait dans sa salle de cinéma, sur le meilleur fauteuil d'avion imaginable pour regarder Miles Davis en 1991, Nina Simone en 1976, Aretha Franklin en 1971. Claude Nobs, et ce n'est sans doute pas anecdotique de le rappeler, était sans doute l'un des meilleurs hôtes de son temps.
LOS ANGELES, TOKYO, BANGKOK
Les musiciens les plus absurdes, les plus chevelus, les plus colériques, se transformaient instantanément en gamins espiègles quand ils débarquaient dans son nid d'aigle. Ils s'adoucissaient au contact de ce petit bonhomme qui parlait toutes les langues et qui traversait tous les milieux. Nobs était capable de descendre à Montreux, un soir de Nouvel-An, avec David Bowie pour distribuer du caviar aux pauvres. Il était capable aussi de colères terribles : il vous appelait et vous traitait de tous les noms d'oiseaux rares pour un article qui ne lui revenait pas, avant de s'excuser comme un môme, de vous taper dans le dos et de concéder, dans un murmure, que jamais il ne grandirait. Nobs était outrance. Dans un pays qui ne raffole pas qu'on marche en dehors des clous. Il dormait à Los Angeles pour une remise de trophée, se réveillait à Bangkok pour se baigner, avant de s'ennuyer et de repartir pour créer une succursale du Montreux Jazz à Tokyo. Il était cosmopolite, et pourtant si enraciné qu'il donnait parfois l'impression de n'avoir jamais quitté son berceau.
Territet, 8 février 1936, Verseau ascendant Verseau. Une boulangerie, des batailles d'Indiens dans les grottes du voisinage, des guerres puniques d'enfant glorieux dans les palaces à l'abandon, des kilos de 78 tours que Claude classait avec des étoiles, une enfance parfaite, l'appétit des bonnes choses. Il avait, avec son terroir, la relation complexe du don absolu. Pour rien au monde, il n'aurait quitté son Léman, les montagnes qui font mur, le côté " station pour vieilles Anglaises " de Montreux l'assoupie. Et pourtant, il menaçait presque chaque année le syndic, le canton, les autorités compétentes et même les gens de passage qu'il allait s'enfuir, déplacer le Montreux Jazz en des royaumes plus reconnaissants. Claude Nobs voulait être aimé. Et il ne comprenait pas toujours qu'il l'était. Il savait l'incroyable courage, la force de conviction, dont il avait fait preuve, lui le timide, pour forcer le destin de son coin de Lac.
PROGRAMMES "BLINDÉS"
Tout jeune homme, commis de l'Office du tourisme montreusien, il avait enfoncé la porte des fondateurs du label Atlantic, à New York. Aux frères Ertegun, il n'avait pas laissé le choix. S'ils avaient refusé de l'aider à fonder un festival, il serait encore, aujourd'hui, en train de faire le pied de grue dans leur vestibule. Ses premières nuits américaines, il les avait passées à Chicago, il avait appelé le bluesman Willie Dixon dont il avait dégotté le numéro, il était allé écouter Muddy Waters, Howlin'Wolf, la virée dans une Plymouth défoncée, dont une seule portière fonctionnait. Claude s'était effondré avant l'aube, porté par Dixon jusqu'à un lit improbable où il avait rêvé de toutes les nuits qui allaient suivre. Elles étaient longues, impérieuses, brutales, ces nuits des premiers festivals de Montreux quand le minuscule radio-crochet étalé sur deux jours en 1967 devenait peu à peu une sorte de bacchanale compulsive où les mélomanes les plus entraînés, tous, s'épuisaient avec lui. Son public, composé essentiellement de gens qui vivaient le jour, se plaignait des retards, des concerts qui s'éternisaient, des ajouts de dernière minute dans des programmes déjà blindés.
Claude Nobs ne pouvait concevoir de fermer sa porte à un artiste qui s'imposait in extremis. Aux autres, à son entourage, d'aménager les horaires. Chaque année, avant le festival, il vous montrait sur une tablette numérique les vidéos des derniers prodiges qu'il avait croisés, des inconnus qui n'allaient pas amener un spectateur en sus mais dont il était plus fier que de n'importe quelle diva. Un guitariste hongrois de 14 ans. Un génie du piano cubain. Un orchestre de tambourineurs ghanéens. Santana, son ami, voulait faire carnaval sur la Grand-Rue : pas de problème ! Stephan Eicher désirait obtenir des musiciens maliens, mais aussi des yodleurs et pourquoi pas un orchestre : marché conclu ! Pourquoi ne pas monter une soirée qui intégrerait l'histoire entière de la dance music avec des dizaines d'invités qui viendraient de tous les continents pour une seule nuit ? Pourquoi pas. Nobs ne supportait pas qu'on le ramène à la raison. Lui qui avait connu une ère fastueuse où la musique faisait encore de l'argent. Il ne s'y habituait pas, au règne des économies.
VIDÉOS EN COFFRE-FORT
Il n'était absolument pas déconnecté, pourtant. Il avait saisi immédiatement que l'audiovisuel serait une clé de sa réussite. Il filmait tout, chaque concert, jusqu'à accumuler dans son coffre-fort personnel l'une des plus formidables collections de musique du XXe siècle. Il avait compris, aussi, que la musique dont il était l'apôtre fervent – le blues, le jazz – ne suffirait pas à son appétit et à son aura. Il raffolait de la pop, des stars, du show-business dont il avait compris la mécanique intime : l'entregent. Il allait chercher Miles Davis à l'aéroport en Ferrari jaune. Il s'occupait de Nina Simone, au pire moment de sa vie, quand elle l'appelait depuis son exil suisse et qu'il accourait pour changer chez elle une ampoule. Claude Nobs, tout au fond de lui, savait que DJ Bobo n'équivalait pas à Duke Ellington ou à BB King. Mais, dépourvu d'une once de snobisme et conscient de la marque qu'il lui fallait défendre, il conviait toutes les musiques à son festin goulu. Même si certains zélateurs du swing en auraient appelé au Tribunal de La Haye pour exiger qu'on retire la mention jazz au Montreux Jazz Festival.
C'était grotesque. Prince, tout juste débarqué de Minneapolis, aurait-il joué des standards de La Nouvelle-Orléans en ouverture de son concert montreusien si le festival n'avait pas d'abord inscrit sa légende dans des disques de Bill Evans ou de Keith Jarrett ? Pour les rockeurs de toutes espèces, Montreux était une sorte de rite initiatique dont ils voulaient être à la hauteur. Wylcef Jean, ancien rappeur des Fugees, en arrivant dans l'Auditorium Stravinski, s'était lancé dans une touchante revisite du jazz créole, sur un piano qu'il arpentait comme une chose dangereuse. Nobs regardait depuis sa loge minuscule, souvent tout seul, sur un écran posé pour lui. Des chemises fauves suspendues sur un cintre. Et du champagne auquel il ne touchait pas forcément. Il n'était dupe ni de l'orgueil ni du talent, il savait quand une salle allait s'allumer comme un feu de savane, il se levait quatre secondes avant la fin pour saisir son microphone doré et annoncer en tout un tas de langues mélangées que la nuit, jamais, ne s'arrêterait. Et puis, il saisissait au vol Quincy Jones, le producteur par excellence, qui passait tous ses étés depuis quelques années à Montreux. Il lui demandait d'aller raconter sa vie, face à un public qui l'écoutait à moitié. On n'a pas compris, toujours, que Nobs invite des artistes qui avaient connu, un temps, la gloire et ne semblaient plus vivre que par Montreux. Il était d'une fidélité unique dans cette profession où la passion de demain balaie celle d'hier.
Avant son ultime festival, 46e édition dont rien ne laissait présager qu'elle serait conclusive, nous l'avions rencontré dans son chalet. Nous avions mangé sur le balcon des plats inouïs, en écoutant des musiques de maintenant sur Youtube, malgré les dizaines de milliers de disques qui encombraient sa réserve. Il parlait de tous les films qu'il n'avait pas pu voir, de son ami Thierry Amsallem avec lequel il s'était pacsé, des dix concerts de Miles Davis à Montreux dont il avait sorti un coffret. "C'est une trace de mon passage sur terre, non ?" Nobs, à 76 ans, n'était pas sage. Il croyait encore qu'on peut repousser indéfiniment l'aube en ne se couchant pas. Il n'ignorait rien de ce qu'il avait laissé, à la Suisse, au monde, mais il se persuadait sans peine que rien ne vaut le désir. Au final, ce petit cuisinier contrarié avait choisi une vie au service.
Hommage à Claude Nobs, fondateur du festival de jazz de Montreux
Finalement, il n'aura pas eu le temps de vieillir. Il avait installé dans son nouveau chalet un ascenseur, pour laisser penser qu'il avait tout prévu, même le déclin. Ça le faisait rire, de s'imaginer en grand-père indigne, dans les fêtes infinies de son perchoir, à rôder canne en main, veiller à la qualité du vin, puis retourner à ses gadgets électroniques pour ne pas manquer un seul train. Claude Nobs aimait marcher avec ses chiens, dans la solitude des matins de Caux, au-dessus de Montreux. Il aimait encore skier – c'est une chute qui a mené, après un coma, à sa mort, cette mort étrange, dont il parlait volontiers. Il avait même prévu, pour ne pas alourdir le quotidien de ses proches, de recourir un jour à l'euthanasie si la nécessité s'en était fait sentir. Mais Nobs est mort bien vivant. Après une ultime édition de son festival, la 46e pour laquelle il s'était particulièrement engagé ; il avait prévu d'ouvrir le bal en tutu de ballerine ou en Reine d'Angleterre, jubilé éternel d'un épicurien.
Il faudrait parler, et on le fera, de sa contribution, des hommages internationaux, de cette histoire folle : un cuisinier de Territet qui devient l'un des maîtres de musique les mieux célébrés dans le monde. Mais ce qui nous revient, à cet instant précis, c'est sa capacité invraisemblable à recevoir. Il accueillait dans ses maisons de bois, des boîtes à bijoux pleines de locomotives miniatures, de juke-box, de sculptures et d'art du pire goût possible. Il servait du saumon, de la viande très rouge, des poissons pêchés dans des étangs de proximité, des Bordeaux vieux, des alcools capiteux, il vous resservait à chaque instant pour être sûr que vous ne manquiez de rien. Il parlait sans cesse, vous questionnait, puis vous amenait dans sa salle de cinéma, sur le meilleur fauteuil d'avion imaginable pour regarder Miles Davis en 1991, Nina Simone en 1976, Aretha Franklin en 1971. Claude Nobs, et ce n'est sans doute pas anecdotique de le rappeler, était sans doute l'un des meilleurs hôtes de son temps.
LOS ANGELES, TOKYO, BANGKOK
Les musiciens les plus absurdes, les plus chevelus, les plus colériques, se transformaient instantanément en gamins espiègles quand ils débarquaient dans son nid d'aigle. Ils s'adoucissaient au contact de ce petit bonhomme qui parlait toutes les langues et qui traversait tous les milieux. Nobs était capable de descendre à Montreux, un soir de Nouvel-An, avec David Bowie pour distribuer du caviar aux pauvres. Il était capable aussi de colères terribles : il vous appelait et vous traitait de tous les noms d'oiseaux rares pour un article qui ne lui revenait pas, avant de s'excuser comme un môme, de vous taper dans le dos et de concéder, dans un murmure, que jamais il ne grandirait. Nobs était outrance. Dans un pays qui ne raffole pas qu'on marche en dehors des clous. Il dormait à Los Angeles pour une remise de trophée, se réveillait à Bangkok pour se baigner, avant de s'ennuyer et de repartir pour créer une succursale du Montreux Jazz à Tokyo. Il était cosmopolite, et pourtant si enraciné qu'il donnait parfois l'impression de n'avoir jamais quitté son berceau.
Territet, 8 février 1936, Verseau ascendant Verseau. Une boulangerie, des batailles d'Indiens dans les grottes du voisinage, des guerres puniques d'enfant glorieux dans les palaces à l'abandon, des kilos de 78 tours que Claude classait avec des étoiles, une enfance parfaite, l'appétit des bonnes choses. Il avait, avec son terroir, la relation complexe du don absolu. Pour rien au monde, il n'aurait quitté son Léman, les montagnes qui font mur, le côté " station pour vieilles Anglaises " de Montreux l'assoupie. Et pourtant, il menaçait presque chaque année le syndic, le canton, les autorités compétentes et même les gens de passage qu'il allait s'enfuir, déplacer le Montreux Jazz en des royaumes plus reconnaissants. Claude Nobs voulait être aimé. Et il ne comprenait pas toujours qu'il l'était. Il savait l'incroyable courage, la force de conviction, dont il avait fait preuve, lui le timide, pour forcer le destin de son coin de Lac.
PROGRAMMES "BLINDÉS"
Tout jeune homme, commis de l'Office du tourisme montreusien, il avait enfoncé la porte des fondateurs du label Atlantic, à New York. Aux frères Ertegun, il n'avait pas laissé le choix. S'ils avaient refusé de l'aider à fonder un festival, il serait encore, aujourd'hui, en train de faire le pied de grue dans leur vestibule. Ses premières nuits américaines, il les avait passées à Chicago, il avait appelé le bluesman Willie Dixon dont il avait dégotté le numéro, il était allé écouter Muddy Waters, Howlin'Wolf, la virée dans une Plymouth défoncée, dont une seule portière fonctionnait. Claude s'était effondré avant l'aube, porté par Dixon jusqu'à un lit improbable où il avait rêvé de toutes les nuits qui allaient suivre. Elles étaient longues, impérieuses, brutales, ces nuits des premiers festivals de Montreux quand le minuscule radio-crochet étalé sur deux jours en 1967 devenait peu à peu une sorte de bacchanale compulsive où les mélomanes les plus entraînés, tous, s'épuisaient avec lui. Son public, composé essentiellement de gens qui vivaient le jour, se plaignait des retards, des concerts qui s'éternisaient, des ajouts de dernière minute dans des programmes déjà blindés.
Claude Nobs ne pouvait concevoir de fermer sa porte à un artiste qui s'imposait in extremis. Aux autres, à son entourage, d'aménager les horaires. Chaque année, avant le festival, il vous montrait sur une tablette numérique les vidéos des derniers prodiges qu'il avait croisés, des inconnus qui n'allaient pas amener un spectateur en sus mais dont il était plus fier que de n'importe quelle diva. Un guitariste hongrois de 14 ans. Un génie du piano cubain. Un orchestre de tambourineurs ghanéens. Santana, son ami, voulait faire carnaval sur la Grand-Rue : pas de problème ! Stephan Eicher désirait obtenir des musiciens maliens, mais aussi des yodleurs et pourquoi pas un orchestre : marché conclu ! Pourquoi ne pas monter une soirée qui intégrerait l'histoire entière de la dance music avec des dizaines d'invités qui viendraient de tous les continents pour une seule nuit ? Pourquoi pas. Nobs ne supportait pas qu'on le ramène à la raison. Lui qui avait connu une ère fastueuse où la musique faisait encore de l'argent. Il ne s'y habituait pas, au règne des économies.
VIDÉOS EN COFFRE-FORT
Il n'était absolument pas déconnecté, pourtant. Il avait saisi immédiatement que l'audiovisuel serait une clé de sa réussite. Il filmait tout, chaque concert, jusqu'à accumuler dans son coffre-fort personnel l'une des plus formidables collections de musique du XXe siècle. Il avait compris, aussi, que la musique dont il était l'apôtre fervent – le blues, le jazz – ne suffirait pas à son appétit et à son aura. Il raffolait de la pop, des stars, du show-business dont il avait compris la mécanique intime : l'entregent. Il allait chercher Miles Davis à l'aéroport en Ferrari jaune. Il s'occupait de Nina Simone, au pire moment de sa vie, quand elle l'appelait depuis son exil suisse et qu'il accourait pour changer chez elle une ampoule. Claude Nobs, tout au fond de lui, savait que DJ Bobo n'équivalait pas à Duke Ellington ou à BB King. Mais, dépourvu d'une once de snobisme et conscient de la marque qu'il lui fallait défendre, il conviait toutes les musiques à son festin goulu. Même si certains zélateurs du swing en auraient appelé au Tribunal de La Haye pour exiger qu'on retire la mention jazz au Montreux Jazz Festival.
C'était grotesque. Prince, tout juste débarqué de Minneapolis, aurait-il joué des standards de La Nouvelle-Orléans en ouverture de son concert montreusien si le festival n'avait pas d'abord inscrit sa légende dans des disques de Bill Evans ou de Keith Jarrett ? Pour les rockeurs de toutes espèces, Montreux était une sorte de rite initiatique dont ils voulaient être à la hauteur. Wylcef Jean, ancien rappeur des Fugees, en arrivant dans l'Auditorium Stravinski, s'était lancé dans une touchante revisite du jazz créole, sur un piano qu'il arpentait comme une chose dangereuse. Nobs regardait depuis sa loge minuscule, souvent tout seul, sur un écran posé pour lui. Des chemises fauves suspendues sur un cintre. Et du champagne auquel il ne touchait pas forcément. Il n'était dupe ni de l'orgueil ni du talent, il savait quand une salle allait s'allumer comme un feu de savane, il se levait quatre secondes avant la fin pour saisir son microphone doré et annoncer en tout un tas de langues mélangées que la nuit, jamais, ne s'arrêterait. Et puis, il saisissait au vol Quincy Jones, le producteur par excellence, qui passait tous ses étés depuis quelques années à Montreux. Il lui demandait d'aller raconter sa vie, face à un public qui l'écoutait à moitié. On n'a pas compris, toujours, que Nobs invite des artistes qui avaient connu, un temps, la gloire et ne semblaient plus vivre que par Montreux. Il était d'une fidélité unique dans cette profession où la passion de demain balaie celle d'hier.
Avant son ultime festival, 46e édition dont rien ne laissait présager qu'elle serait conclusive, nous l'avions rencontré dans son chalet. Nous avions mangé sur le balcon des plats inouïs, en écoutant des musiques de maintenant sur Youtube, malgré les dizaines de milliers de disques qui encombraient sa réserve. Il parlait de tous les films qu'il n'avait pas pu voir, de son ami Thierry Amsallem avec lequel il s'était pacsé, des dix concerts de Miles Davis à Montreux dont il avait sorti un coffret. "C'est une trace de mon passage sur terre, non ?" Nobs, à 76 ans, n'était pas sage. Il croyait encore qu'on peut repousser indéfiniment l'aube en ne se couchant pas. Il n'ignorait rien de ce qu'il avait laissé, à la Suisse, au monde, mais il se persuadait sans peine que rien ne vaut le désir. Au final, ce petit cuisinier contrarié avait choisi une vie au service.
Blueleader- Messages : 7793
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Re: Décès de Claude Nobs
Merci BL
Mais je n'aime pas trop le ton sentencieux de l'article.
Qui l'a écrit? Marmande?
Mais je n'aime pas trop le ton sentencieux de l'article.
Qui l'a écrit? Marmande?
Re: Décès de Claude Nobs
upfromtheskies a écrit:Merci BL
Mais je n'aime pas trop le ton sentencieux de l'article.
Qui l'a écrit? Marmande?
Arnaud Robert
Blueleader- Messages : 7793
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