Desire
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Chino
Wu wei
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Desire
Voici le genre d'album de ma discothèque, que je connais par coeur sans connaître...
il s'agit de mon premier dylan, avant de plonger dans son imposante discographie, dans sa vie tumultueuse, dans ses frasques (ha ! tiens je suis une légende, je suis riche, adulé, j'ai écris des protests song complexes, me suis fait huer en osant brancher ma guitare, mike bloomfield et tant d'autres m'ont accompagnées, je me suis amusé avec la foi, j'ai su faire parler de moi... je m'ennuie un peu ... que faire ? .... ha ! prêter ma voix à un gps ^^ .... il parait qu'en ce moment il s'entraîne à tomber des arbres avec un certain keith )
j'ai presque usé le vynil... et pourtant j'ai mis des années à m'apercevoir que les paroles étaient incluses... des années avant d'avoir un niveau d'anglais suffisant pour y jeter un oeil un peu curieux... (niveau qui n'a pas beaucoup évolué par ailleurs)... des années pour découvrir le texte de lester bang en parlant (avec sa douceur habituelle).... et des années avant de me dire que je n'avais pas envie de lire les articles de wiki (et autres) à son sujet.
alors pourquoi en parler ?
tout simplement parce que cet album diffuse une aura un peu spéciale dans l'oeuvre de dylan (diffuse une aura ? c'est le fébrèze dylanien en fait )
nous sommes dans la deuxième moitié des 70'... les rêves hippies sont bien fanés et déjà sur les cendres fumantes va naître un punk radical... la contestation sociale se fait plus radicale... et pourtant zimmer (je me permets je l'ai connu tout petit) prépare une tournée "cirque" un caprice de môme, histoire de renouer avec les racines qu'il s'invente au fil des interviews et des années...
look de trappeur, baroudeur, poète (avec même le petit foulard, qui flotte au vent.... une touche de parisianisme dans sa panoplie du parfait petit kerouac... il ne lui manque plus qu'un lonely planet à la main)...
on se demande ce qui nous attend, on pose la disque sur la platine... et là.... on a beau connaître le truc, on a beau avoir lu des choses dessus, on a beau avoir voulu faire avaler son papier au dix millième journaleux qui utilise l'expression... la claque on se la prend en pleine tête....(une fois la surprise passée, on se maudit de s'être laissé avoir, une fois de plus).
la voix nasillarde, forte, alignant des mots complexes, forts, les sonorités s'enfilent à une vitesse supersonique, (je parle ici pour les non anglophones...; mais pour avoir interrogés deux trois natifs que j'avais sous la main, c'est pas non plus "lorie" à comprendre cet album ), les images défilent, le décor se plante au coeur de l'action (Pistol shots ring out in the barroom night, Enter Patty Valentine from the upper hall... si ça, c'est pas vous coller la tête direct dans le mur, je vois pas comment on peut faire)
qu'on aime ou pas... la question ne se pose pas... déjà on accuse le choc... jusqu'à la vague de ce refrain... une lame de fond, le genre qui vous reste dans les tripes, mais qu'on ne peut fredonner, qu'on ne peut jamais s'approprier tant en rendre compte demande de l'énergie...
ensuite, on reprendra le contrôle de nos sens, on pourra émettre un avis...
on s'interrogera sur la bonne foi de de dylan, sur le "rôle" de l'auteur, sur la limite de son interprétation, on se penchera sur la version première du texte, on se demandera si au-delà de la fresque épique et politique que propose dylan, il a encore quelque à nous dire...
mais on ne pourra pas nier, sa capacité d'écriture, la puissance des images dont il use, la véritable vision filmique dont il peut faire preuve....
on ne parle pas ici d'effets spéciaux à gogo, de saynètes s'enchaînant autour d'une intrigue bidon ou d'une prise de tête sans queue ni tête...
... si j'osais... je dirais qu'avec ce titre dylan propose une chanson phare, proche des films de jean-pierre melville ou des romans de jean-patrick manchette...
une chanson qu'on "accepte" ou pas, mais qui peut vous hanter des années durant.
Joey propose le même genre de "message", dylan nous fait croire à la protest song, à un engagement social sans faille, alors qu'il profite uniquement d'un fait divers, d'une personnalité marquante, pour le transformer en un personnage romanesque .... il ne s'agit plus d'un truand à la solde de la mafia... mais d'un delon dans rocco et ses frères (ou de celui narguant ses géniteurs au début de mélodie en sous-sol)... au coeur d'un polar noir, des feutres, des armes, de la prison... on croise des philosophes et de la morale... de quoi justifier ce refrain qui reviens comme une plainte, comme un cri de loup blessé sous la lune pâle et glaciale des rues de gotham...
joey c'est à la fois le souffle narratif de dylan et son incapacité à se contenter de la réalité... parfois ça cogne juste (comme ici, pour moi cette chanson distille une histoire poignante, forte, qui donne envie de se rebeller contre une société basée sur des carcans et des apriori... et pourtant nous sommes bien loin des faits) parfois ça cogne faux (un tas d'autre chansons )
à côté de ça, dylan nous livre "isis" un titre cryptique, fais d'images étranges, mariage de baudelaire (l'étranger) et de cabale juive... s'enracinant autour d'une mélodie envoutante.... un de ces titres que l'on pense écrit pour l'auteur seul... un trip d'ado que nul autre que lui ne peut comprendre, mais qui aurait suffisamment grandit pour nous toucher à un niveau que l'on ne comprend pas vraiment... la magie de la musique surement...
un titre souffrant de l'aspect grandiloquent d'un dylan qui, forcément écrit mieux que la majorité des auteurs de chanson, mais qui de fait à tendance à laisser trop de titres sortir sans les filtrer au préalable (bon, nous sommes loin du niveau d'un Prince, qui semble prendre un malin plaisir à ruiner son génie sur chacun de ses albums studios, autant qu'il brille en concert)...
un manque de "relecture" un peu étrange lorsque l'on s'aperçoit que dylan nous livre "mozambique", une chanson-bluette, un amour d'été, une plage de sable chaud, des paysages de rêves...
autant passer des heures à s'arracher les cheveux sur isis (ce qui ne me dérange pas en fait) réclame une volonté de la part de l'auditeur, autant mozambique ne propose rien d'autre qu'une image carte postale....
ce qui permet de prendre la mesure de l'album....
intrigué on retourne la pochette et on aperçoit un collage étrange... les différents visage d'un dylan qui se fait griot, conteur universel, tenant dans ses mains l'espagne, la mafia, le social, l'afrique et j'en passe... comme pour la tournée suivante pour laquelle il se grimera à loisir... cet album reflète effectivement son désir de raconter des histoires, de s'en faire le passeur, le chantre quitte à porter des panoplies bouffonnes, trop larges ou ridicules...
ce qui tient l'affaire c'est bien évidemment les musiciens et l'utilisation du violon en tête... une idée remarquable... apportant la clarté nécessaire à une démarche pour le moins casse gueule... les chansons plus "faibles" apparaissant liées aux moments épiques par une unité musicale indéniable...
Desire fait partie de ces albums étranges que l'on passe sur la platine sans avoir une idée précise des titres qui vont se succéder, mais dont on recherche l'ambiance musicale, en un mot... dylan cherche ici (et trouve) une esthétique !
une cohérence rarement égalée... tant sur le plan musicale qu'en terme d'écriture....
car lorsqu'on parle de "conteur", d'un gars maquillé en semi clown, qui vient vous vendre son rock verbeux... ça peut faire peur... mais écouter sarah (en hommage à sa future ex) donne la mesure du personnage, de la simplicité touchante avec laquelle il évoque un amour passé, sur le point de fané... en quoi cette délicatesse rompt avec l'exubérance d'hurricane....
et au milieu, comme dans un écrin dessiné sur mesure, trône, one more cup of coffee.... l'influence de l'europe de l'est, le souffle de l'aventure, du tarot, de cette vallée vers laquelle on presse le pas pour éviter l'orage, que l'on redoute... cette féminité que l'on désire, mais que l'on guette par crainte de la cueillir... ce refrain, cette invitation à rester pour une tasse de plus, pour retarder l'inévitable départ... mais tout est périple, car quel troubadour pourrait se contenter d'un seul public à divertir ?
un album à part, que l'on résumé souvent à l'opinion que l'on se fait sur hurricane ou sur le choix d'incorporer le violon de scarlet rivera (sans oublier clapton si je ne dis pas de bêtises, ce qui est fort possible je ne suis pas assez minutieux pour tout retenir ^^)...
alors qu'il dispose de beaucoup plus de cordes à son arc(het), qu'il dispose d'une palette émotionnelle vaste et puissante, soufflant le chaud et le froid à la manière des plus grands romanciers, nous embarquant dans un voyage aux confins des émotions... et tant pis si on oublie la vérité en route, le principal c'est de passer une bonne soirée.
sea U
Wu wei- Messages : 4680
Date d'inscription : 04/07/2011
Re: Desire
Grand album (et un super texte Fando !). L'écoute de "Hurricane" me transporte en 1975 et le début de mes années d'étudiant à Manchester, dans les bars avec des potes.
Re: Desire
Merci Fando pour cette belle narration, je ne connais pas encore cet album de Dylan mais ça me donne envie de l'écouter.
parisino- Messages : 5704
Date d'inscription : 31/05/2010
Age : 49
Localisation : Chatenay Malabry
Re: Desire
Superbe album, je l'ai écouté en boucle ce WE (avec également The Band), je crois que c'est mon préféré de Dylan.
Les chansons sont superbe, de bon morceaux comme "Hurricane", "Mozambique" ou "Joey" et mon préféré "One more cup of coffee" très hispanisant, assez profond (dans la musique) sa voix est géniale, j'aime beaucoup la chanteuse.
Parisino
Les chansons sont superbe, de bon morceaux comme "Hurricane", "Mozambique" ou "Joey" et mon préféré "One more cup of coffee" très hispanisant, assez profond (dans la musique) sa voix est géniale, j'aime beaucoup la chanteuse.
Parisino
parisino- Messages : 5704
Date d'inscription : 31/05/2010
Age : 49
Localisation : Chatenay Malabry
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