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Live In Japan (1991)

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Message par Ayler 30.07.08 12:11

Live In Japan (1991)

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Concert du 11 juillet 1966
CD 1

Afro Blue (Mongo Santamaria) - 38:49
Peace On Earth (John Coltrane) - 26:24

CD 2

Crescent (John Coltrane) - 54:34

Concert du 22 juillet 1966
CD 3

Peace On Earth (John Coltrane) - 25:04
Leo (John Coltrane) - 44:51

CD 4

My Favorite Things (Richard Rodgers & Oscar Hammerstein II) - 57:19


Personnel :
John Coltrane - saxophones ténor, soprano et alto, percussion
Alice Coltrane - piano
Pharoah Sanders - saxophones ténor et alto, clarinette basse, percussion
Jimmy Garrison - contrebasse
Rashied Ali - batterie


On dit de nombreux jazzmen qu'ils sont influencés par la musique classique. Et vous ?

John Coltrane - Je ne suis pas sûr d'avoir raison sur ce point, mais le terme de musique classique, à mon avis, correspond à la musique d'un pays joué par les compositeurs et les musiciens du pays, plus ou moins, par opposition à la musique que les gens dansent ou chantent, la musique populaire. Qu'en pensez-vous ? Êtes-vous d'accord ? Il existe différents types de musiques classiques à travers le monde. Je ne sais pas si j'ai raison à ce sujet, mais c'est ainsi que je le ressens. En ce qui concerne les genres musicaux, si vous me demandez ce que nous jouons, je crois que c'est la musique personnelle du collaborateur. Et si vous voulez lui donner un nom quelconque, vous pouvez l'appeler musique classique.

Certaines personnes pensent que votre musique est trop difficile à comprendre, trop avant-gardiste. Que voulez-vous dire aux gens qui affirment qu'ils ne peuvent pas comprendre votre musique ?

John Coltrane - Vous voulez que je réponde à ça ? Eh bien, je n'ai pas l'impression qu'il y ait une réponse à cette question. Soit on dit qu'une personne, qui ne comprend pas, finira par comprendre à force d'écoutes répétées, soit qu'elle ne pourra jamais comprendre. Vous savez, il en est ainsi. Il y a beaucoup de choses dans la vie que nous ne comprenons pas. Et ça ne nous empêche pas de vivre pour autant.

Extraits de l’entretien donné par Coltrane à Tokyo le 7 juillet 1966.

"Live In Japan" est un coffret de 4 CD regroupant l'intégralité des performances des 11 et 22 juillet 1966 données à Tokyo par le John Coltrane Quintet.

"Concert In Japan", publié en 1973, est un triple album issu du concert du 22 juillet 1966 :

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"Coltrane In Japan" est une version plus complète du même concert. Le concert du 11 juillet fera lui aussi l'objet d'un triple album, "Second Night In Tokyo" - dont le nom est un peu malheureux, le concert du 11 étant bien sûr antérieur...

Concert du 11 juillet 1966 :

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Concert du 22 juillet 1966 :

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Les rééditions CD en deux volumes (de deux CD) :

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Dès ses débuts chez Miles Davis, John Coltrane a régulièrement été au cœur de polémiques soulevées par la critique - tout en rencontrant une reconnaissance publique sans cesse croissante jusqu'à "A Love Supreme", dont le succès a largement dépassé le seul cadre des amateurs de jazz. Mais à partir de mi-1965, et plus encore de son dernier groupe avec Alice Coltrane, Rashied Ali et Pharoah Sanders en 1966, les concerts de Coltrane ont (souvent) au mieux suscité une immense déception chez ses admirateurs, qui ne le reconnaissaient plus ; au pire rencontré une véritable hostilité, l'obligeant même à annuler certains engagements plutôt que d'accepter de jouer une musique moins radicale. De toutes les périodes de sa carrière, la seule qui soulève aujourd'hui encore une certaine controverse est d'ailleurs la dernière.

C'est avec son dernier quintet que Coltrane s'est produit au Japon en juillet 1966, lors de sa seule et unique tournée dans un pays asiatique. Quand bien même le groupe ne fit aucune concession, il rencontra un certain succès auprès du public japonais, qui n'avait alors que rarement l'occasion d'entendre les grands jazzmen américains.

De cette tournée, deux performances données à Tokyo furent enregistrées afin d'être retransmises par la radio japonaise. La qualité audio de ces enregistrements mono est tout à fait remarquable pour l'époque. Que Coltrane ait été conscient ou non d'être enregistré, le fait que ces bandes n'étaient pas destinées à être un jour publiées est à souligner : ce sont véritablement deux concerts du quintet tel qu'il pouvait alors se produire en public.

Deux concerts... et seulement 6 titres s'étirant sur plus de 4 heures de musique. De quoi donner le vertige à plus d'un mélomane, d'autant que la plage la plus courte se rapproche de la demi-heure. Les rééditions CD de ces concerts apportent d'ailleurs un plus notable : les titres ne sont désormais plus répartis sur deux ou trois faces... En revanche, la durée de "My Favorite Things" est telle que l'ordre de la setlist du second concert a dû être modifié pour que le tout puisse tenir sur seulement deux CD sans qu'un titre soit coupé !

Pour apprécier l'évolution du quintet, les deux enregistrements de référence sont le "Live At The Village Vanguard Again!", qui présente un matériel édité, et la prestation du quintet au Newport Jazz Festival du 2 juillet 1966, inédite officiellement.

Dans son entretien du 7 juillet, John Coltrane semble s'inquiéter de ses problèmes de poids, et avoue être parfois très fatigué. Cela recoupe complètement son entretien avec Frank Kofsky, où il explique ainsi la présence de Pharoah Sanders : "Cela m'aide à rester vivant par moments parce que physiquement, tu sais, le rythme auquel je vis est si dur et j'ai pris du poids, c'est parfois devenu un peu dur physiquement. J'aime bien avoir quelqu'un à côté de moi quand je ne peux plus obtenir cette force."

Le déclin de la santé de John est-il manifeste à l’écoute des deux concerts japonais du quintet ? C’est une question à laquelle il conviendra d’apporter une réponse nuancée. En tant qu’instrumentiste, Coltrane est en pleine possession de ses moyens : son jeu n’est pas moins intense que par le passé, sa ferveur toujours présente et rien n’indique une quelconque baisse de régime. En revanche, force est de constater que Coltrane laisse énormément de place à Pharoah Sanders, ainsi qu’au reste du groupe. Est-ce le choix artistique d’un leader généreux ou la conséquence de la maladie ? Les entretiens de Coltrane font quelque peu pencher la balance en faveur de la seconde proposition.

Le "Live In Japan" est un coffret réputé difficile (ce qui est vrai), présentant un magma sonore dissonant, littéralement insupportable. C’est faire injure à ces deux concerts qui présentent une musique contrastée : aux passages complètement free, dévastateurs ("Leo"), succèdent des plages lyriques de pure beauté, où la sérénité du jeu de John confine au sublime – c’est notamment le cas sur "Crescent" et "Peace On Earth". En fait, c’est surtout la longueur des différentes improvisations qui requiert de l’auditeur une attention soutenue, ce qui n’est pas chose facile au regard de la durée de celles-ci. La musique de Coltrane est exigeante, y compris pour ses auditeurs…

Globalement, les deux concerts présentent une musique assez proche, même s’il faut noter caractère exceptionnel du concert du 22 juillet : Coltrane et Pharoah ont tous deux reçu de Yamaha un saxophone alto. Coltrane propose en première partie de "My Favorite Things" une relecture inédite à l’alto, et Pharoah délaisse quelque peu son ténor, jouant même de la clarinette basse sur "Leo".

En quelques mois, la musique de John Coltrane a connu des mutations considérables, dont la plus notable à l’écoute de ces concerts est son rapport au rythme. Rashied Ali ne marque jamais la mesure, libérant ainsi John de la contrainte du tempo, mais aussi de ses avantages. Le rythme n’est pas absent, mais il ne conditionne plus le jeu de John comme en 1965 – son rôle est plus poétique, le jeu de Rashied Ali se faisant caressant ou agressif selon les moments. Contrairement à ce qu’on pourrait craindre, cela n’engendre nulle monotonie lorsque les souffleurs sont aux commandes, et on distingue nettement les ballades d’un nouveau genre ("Peace On Earth") des morceaux donnant l’impression d’un tempo élevé ("Leo").

Présenter les concerts dans leur intégralité est généreux de la part d’Impulse!, mais cela présente aussi certaines limites : si les longs solos a capella de Jimmy Garrison (près d’un quart d’heure chacun) faisaient sens en concert, il faut avouer que, sur disque, ils constituent des introductions excessivement longues à "Crescent" et "My Favorite Things" dans le cadre d’écoutes répétées…

L’autre bémol que j’apporterais à ces performances concerne le travail de soliste d’Alice Coltrane. Car si l’apport de Rashied Ali à la musique du groupe est évident (alors même que, de l’aveu de Coltrane lui-même, il n’avait pas la maturité d’Elvin Jones), celui d’Alice Coltrane me semble plus sujet à caution. Difficile de ne pas regretter McCoy Tyner à l’écoute des longs, trop longs solos d’Alice, dont les cascades de notes font perdre en densité la musique du groupe.

Pour les amateurs de Pharoah Sanders, ces deux concerts japonais sont deux documents de premier ordre. Pharoah est alors en pleine évolution (il enregistrera son premier chef d’œuvre en tant que leader seulement quelques mois plus tard), et même si ses solos ne sont pas aussi denses que ceux de John, Pharoah jouant peut-être trop, il est clair qu’il gagne en maturité chaque semaine, et qu’il a en lui les ressources qui feront de lui un grand leader. La férocité de ses interventions détonne, notamment lorsqu’il est en duo avec John (quand ils citent "The Father And The Son And The Holy Ghost" au début de "Leo" !). Mais Pharoah ne se limite pas au seul registre du cri : son jeu se fait de plus en plus mélodique (sur "Crescent" et "Peace On Earth" notamment), tout en gardant un aspect très âpre.

Et John ? Si l’on peut regretter le fait qu’il joue un peu moins que par le passé (relativement, car son solo sur "Afro Blue" n’est pas des plus courts !), il n’en demeure par moins qu’il reste au sommet de son art, et que le Coltrane 1966 n’est pas moins inspiré que le Coltrane 1965. La densité de son inspiration est saisissante, surtout dans un contexte aussi libre. Son jeu sur "Crescent" ou "Peace On Earth" atteint des sommets en termes d’expressivité et d’émotion. Coltrane incarne ici le jazz spirituel le plus puissant et le plus intègre qui soit. Il est profond, humain, sans jamais céder à aucune forme de facilité. Coltrane est un génie.


Dernière édition par Ayler le 26.06.12 0:05, édité 2 fois
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Message par Bluesboy 30.07.08 23:50

Merci beaucoup pour cette chronique, je l'attendais impatiemment depuis quelques temps ! Wink
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Message par Coltranophile 08.07.09 18:12

Je ne peux qu'être d'accord avec cette chronique, aussi bien sur l'analyse du jeu de Coltrane que sur celle d'Alice et sur le fait que les amateurs de Sanders y trouveront leur compte (sur "Crescent" notamment). Un peu relégué dans l'ombre des disques du grand quartet, "Live In Japan" est néanmoins une pièce essentielle de la discographie du maître. A découvrir impérativement.

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Message par Bloomers 08.07.09 21:03

superbe chronique cheers
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Message par Wu wei 25.06.12 23:50

entièrement de l'avis d'Ayler, je reviens un instant sur Alice Coltrane (dont je possède et aime pourtant certains opus) elle me semble vraiment "too much" sur ces enregistrements, son style très influencés par powell a du mal à retrouver une sonorité propre, un souffle lyrique, elle me parait toujours en recherche de reconnaissance ici, comme si elle faisait une course ou une compétition... alors qu'il y a chez les autres une attitude semblant vouloir dépasser l'esthétisme pour tendre au spiritisme...
en revanche, j'apprécie les intros de garrison, peut être parce que je n'écoute pas ces faces tous les jours non plus Smile

ce sont vraiment des concerts très denses, difficiles d'abord (j'en connais une qui en prenait au petit déj' Smile [le pire c'est que c'est vrai ^^])... mais si on apprécie, on est happé par une telle fusion sonore.
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