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Thelonious alone in San Francisco (1959)

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Message par Wu wei 06.04.13 16:18

Thelonious alone in San Francisco  (1959) Thelonious_Alone_in_San_Francisco

Thelonious Monk : Piano


   "Blue Monk"  - 3:44
   "Ruby, My Dear"  - 3:56
   "Round Lights"  - 3:34
   "Everything Happens to Me" (Adair, Dennis) - 5:37
   "You Took the Words Right Out of My Heart" (Ranger, Robin) - 4:01
   "Bluehawk"  - 3:37
   "Pannonica"  - 3:51
   "Remember" (Irving Berlin) - 2:41
   "There's Danger in Your Eyes, Cherie" (take 2) (Meskell, Richman, Wendling) - 4:18
   "There's Danger in Your Eyes, Cherie" (take 1) (Meskell, Richman, Wendling)- 4:05
   "Reflections"  - 5:06

La prestation de Monk au festival de jazz de Hollywood fut mémorable du fait de ses exubérances, toutefois  pour bien saisir les conditions de réalisation de ce second opus solo pour Riverside il faudrait plutôt prendre en considération sa vie de famille.
Monk est d'autant plus seul sur cet enregistrement que sa famille n'est pas avec lui, Nellie est alitée chez son cousin du fait d'une opération chirurgicale, l'enregistrement servira entre autre à rapporter de l'argent dans cette optique. Il sera hébergé dans une chambre d'hôtel avec son piano pour seul compagnon et l'enregistrement aura lieu au Fugazzi Hall un endroit atypique.

Ceci, plus que les premières marques visibles de ce qui deviendra sa folie - ou peut-être un mélange des deux- permet de mieux appréhender l'extrême sensibilité qui se dégage de ce disque. Le format favorise, forcément, l'intimité du "propos", reste tout de même une lenteur, une quiétude assez rare dans cette collection de blues et de vieux standards.

C'est un sentiment de quiétude, de maîtrise, de sérénité qui domine tout au long de l'écoute, peut être est-ce pour ça que, des décennies après sa sortie, cet album reste un classique. Un incontournable dans la discographie de l'artiste mais aussi pour toute bonne discothèque. Monk est souvent perçu comme un révolutionnaire, un maitre, un précurseur ou un génie. Cette image, comme toute les étiquettes, possède un quelque chose de réducteur et d'inabordable. Cet enregistrement, sans doute par son naturel (il faut rappeler ici que la session d'enregistrement pris deux jours, les 21 et 22 Octobre 1959, et qu'il n'existe qu'une version alternative à "There's Danger in Your Eyes, Cherie") est lui tout à fait abordable. Si la signature du pianiste, son sens du rythme atypique, de l'harmonie étrange, du décalage constant, sont au rendez-vous, on reste ici au bord de la falaise et il ne tient qu'à nous de faire un pas de plus. Bien souvent on loue les qualités, indéniables, de ce type d'artiste nous les rend lointain, il me semble que pour "entrer" dans cet univers, pour ne pas se sentir chahuter, ou trop bousculer, cet album solo est essentiel (et intemporel).

On trouve des classiques de Monk, avec notamment une fabuleuse version de Blue Monk, qui offrent ici leur intimité, leur beauté, leur singularité. On comprend ici peut être mieux qu'ailleurs en quoi ces thèmes possèdent un élément entêtant, ce genre d'air que l'on sifflote sans jamais parvenir à en rendre compte, comme des questions que l'on aime à poser en sachant qu'on obtiendra jamais de réponse - quelque chose d'ésotérique plus que de philosophique. Et puis des classiques plus obscures, des thèmes presque mièvres ou sirupeux dont Monk parvient à extraire la sensualité avec des accents expressionnistes incroyables, jamais il ne tombe dans la bluette. Ici donc le blues redevient ce qu'il est à l'origine, l'expression première et nécessaire d'un malheur, d'une misère personnel. Il n'est pas question de plaire, d'être en place, de proposer une conversation mais de livrer ce qui plait accapare l'esprit sur l'instant. De cet élan peut émerger le pire des égoïsmes ou une beauté pure et noble, comme c'est le cas ici.

Cet album trace une ligne paradoxale, à la fois complexe et hasardeuse à la manière de Monk, mais aussi très simple, très épurée, touchante. Élément troublant que ces quelques mauvaises critiques qui à la sortie de l'album trouvait cela convenu et répétitif.

Ce qu'il y a d'envoûtant -et finalement de rassurant- avec cet album c'est qu'il met en avant la nature profonde de l'artiste : l'immobilisme. Monk ne semble pas ressentir le besoin de plaire, de faire semblant, de se montrer, d'arranger son look ou son attitude, de contraindre sa musique à l'air du temps, de codifier son style. Sa volonté à toujours revenir à l'essentiel, à triturer les riffs, à cultiver les dissonances, de creuser jusqu'à l'émotion. Pendant ce temps c'est le monde qui tourne autour de l'oeuvre.

D'autres infos sur l'artiste et sa discographie sur le forum : ici
Wu wei
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