Expression (1967)
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Expression (1967)
Expression(1967)
Face 1
1. Ogunde - 3:36
2. To Be - 16:20
Face 2
1. Offering - 8:25
2. Expression - 10:50
"Je veux être une force qui fait le bien. Je sais qu'il existe des forces négatives, des forces qui apportent la souffrance, qui créent la misère, mais je veux être le contraire. Je veux être une force qui oeuvre vraiment pour le bien."
John Coltrane, 23 septembre 1926-17 juillet 1967
Les compositions sont toutes signées John Coltrane.
Personnel :
John Coltrane : saxophone ténor, flûte
Alice Coltrane : piano
Jimmy Garrison : contrebasse
Rashied Ali : batterie
Pharoah Sanders : picolo, flûte et tambourin (sur "To Be" seulement)
Un percussionniste, non crédité, est audible sur "To Be".
"Offering" est issu de la session du 15 février (dont l'intégralité est désormais disponible sur l'album "Stellar Region") et "Ogunde" de celle du 7 mars 1967. Contrairement à ce que les crédits de l'album indiquent, il n'y a pas un mais deux titres dont la date de la session est incertaine. En effet, "To Be" n'est pas issu de la même session qu'"Offering". Le titre date éventuellement de la dernière session connue de John Coltrane, celle du 17 mai 1967 : Pharoah Sanders était présent à cette séance, de même que le percussionniste Algie DeWitt, qui serait alors notre musicien inconnu.
La version CD présente un bonus track, "Number One", publié dans un premier temps sur "Jupiter Variations".
"Expression" est le premier album posthume de Coltrane. Il importe toutefois de préciser que Coltrane a eu le temps d'approuver son contenu, fixant les derniers détails avec Bob Thiele, son producteur, lors de leur dernière rencontre, le 14 juillet 1967. Discutant des mots pouvant convenir au sens qu'il voulait donner à son dernier disque, Coltrane trancha : "Expression. Voilà ce que c'est."
"Et pour les notes de pochettes ?" lui demanda Thiele.
"J'aimerais bien sortir un album sans la moindre note, avec juste les titres des morceaux et le personnel. Au point où j'en suis, je ne sais pas quoi d'autre peut être exprimé par des mots à propos de ce que je fais. Laissons la musique parler d'elle même."
"Expression" est le premier témoignage studio du dernier Coltrane, sans Elvin Jones et McCoy Tyner donc, mais aussi étrangement sans le saxophone ténor Pharoah Sanders, qui n'est présent que sur la deuxième plage. "Expression" est un album qui résume de façon relativement fidèle les dernières séances connues du groupe, montrant la nouvelle orientation musicale du groupe. Il constitue sans doute l'album en quartet le plus difficile de toute sa carrière - les albums comme "Ascension", "Om" ou "Meditations" n'étant guère comparables en raison de leur personnel, autrement plus fourni.
"Expression" n'a à mon sens pas la force de "A Love Supreme" et "Meditations" - alors que le matériel enregistré en 1967 avait assez de ressources pour produire un album d'une qualité comparable : il suffit d'écouter les premières plages de "Stellar Regions" ou le fantastique "Interstellar Space" pour s'en convaincre.
En même temps, peut-être qu'"Expression" est ainsi plus fidèle au dernier Coltrane : la prise de risque musicale était alors telle qu'il était tout simplement impossible de maintenir une qualité constante. C'est une des limites du free jazz et de l'improvisation sans filet.
Musicalement, "Expression" est un disque assez varié, mais où la nature de l'accompagnement proposé par Alice Coltrane, et surtout par Rashied Ali voile quelque peu cette diversité. L'absence de structure harmonique, et plus encore de tempo rend les compositions de Coltrane plus uniformes, moins facilement identifiables. McCoy Tyner et Elvin Jones étaient au sommet de leur art lorsqu'ils ont quitté le navire, et les remplacer n'est pas chose facile, surtout pour Alice, dont le jeu se démarque moins de celui de son prédécesseur. Si elle peut faire illusion en temps qu'accompagnatrice, force est de constater que ses soli sont loin d'égaler ceux de McCoy : ils n'ont ni leur puissance, ni leur sombre beauté, ni leur inventivité.
Certains choix de Coltrane lui-même peuvent dérouter : Pharoah et lui délaissent leur ténor sur "To Be", le titre le plus long de l'album, le plus inégal aussi. Inégal... tout en étant fascinant : le thème que Coltrane joue sur la flûte d'Eric Dolphy est habité, tout à fait unique dans sa discographie, et même bien au-delà : difficile de trouver un point de comparaison en 1967. On notera que lors de son solo, Pharoah joue en chantant en même temps, utilisant une technique déjà éprouvée sur "Tauhid" - mais dans un contexte fort différent.
Le reste de l'album est dans une lignée plus proche des autres compositions enregistrées en 1967, notamment "Offering", où Coltrane et Ali se livre un duel titanesque qui préfigure leur session commune de la semaine suivante. Ce titre est à mon sens le plus fort du recueil, celui où les capacités du groupe sont au mieux utilisées, et où la palette d'émotions est l'une des plus impressionnantes de l'histoire de la musique : la violence tellurique de la seconde partie n'a d'égal que le lyrisme des premières phrases.
Selon David Wild, c'est dans la composition brésilienne "Ogunde Varere" qu'"Ogunde" trouve ses origines. Contrairement à la version de "The Olatunji Concert: The Last Live Recording", cette version est très courte. C'est l'une des plus belles ballades d'inspiration free jazz, peut-être en raison du contraste entre les phrases discontinues et les passages d'un lyrisme poignant.
"Expression", la composition, est d'une inspiration voisine de "Sun Star" et "Stellar Regions", mais avec une interprétation moins dense, sans doute parce qu'Alice prend rapidement un solo où la tension retombe quelque peu d'une part. Mais peut-être aussi en raison d'une prise de son où le saxophone de John n'est peut-être pas mis en valeur de la meilleure des manières.
Au final ? Un album perfectible, mais qui n’en demeure pas moins passionnant. Un dépoussiérage des bandes ne serait pas un luxe : comparé à "Stellar Regions", la qualité audio est assez nettement inférieure.
Face 1
1. Ogunde - 3:36
2. To Be - 16:20
Face 2
1. Offering - 8:25
2. Expression - 10:50
"Je veux être une force qui fait le bien. Je sais qu'il existe des forces négatives, des forces qui apportent la souffrance, qui créent la misère, mais je veux être le contraire. Je veux être une force qui oeuvre vraiment pour le bien."
John Coltrane, 23 septembre 1926-17 juillet 1967
Les compositions sont toutes signées John Coltrane.
Personnel :
John Coltrane : saxophone ténor, flûte
Alice Coltrane : piano
Jimmy Garrison : contrebasse
Rashied Ali : batterie
Pharoah Sanders : picolo, flûte et tambourin (sur "To Be" seulement)
Un percussionniste, non crédité, est audible sur "To Be".
"Offering" est issu de la session du 15 février (dont l'intégralité est désormais disponible sur l'album "Stellar Region") et "Ogunde" de celle du 7 mars 1967. Contrairement à ce que les crédits de l'album indiquent, il n'y a pas un mais deux titres dont la date de la session est incertaine. En effet, "To Be" n'est pas issu de la même session qu'"Offering". Le titre date éventuellement de la dernière session connue de John Coltrane, celle du 17 mai 1967 : Pharoah Sanders était présent à cette séance, de même que le percussionniste Algie DeWitt, qui serait alors notre musicien inconnu.
La version CD présente un bonus track, "Number One", publié dans un premier temps sur "Jupiter Variations".
"Expression" est le premier album posthume de Coltrane. Il importe toutefois de préciser que Coltrane a eu le temps d'approuver son contenu, fixant les derniers détails avec Bob Thiele, son producteur, lors de leur dernière rencontre, le 14 juillet 1967. Discutant des mots pouvant convenir au sens qu'il voulait donner à son dernier disque, Coltrane trancha : "Expression. Voilà ce que c'est."
"Et pour les notes de pochettes ?" lui demanda Thiele.
"J'aimerais bien sortir un album sans la moindre note, avec juste les titres des morceaux et le personnel. Au point où j'en suis, je ne sais pas quoi d'autre peut être exprimé par des mots à propos de ce que je fais. Laissons la musique parler d'elle même."
"Expression" est le premier témoignage studio du dernier Coltrane, sans Elvin Jones et McCoy Tyner donc, mais aussi étrangement sans le saxophone ténor Pharoah Sanders, qui n'est présent que sur la deuxième plage. "Expression" est un album qui résume de façon relativement fidèle les dernières séances connues du groupe, montrant la nouvelle orientation musicale du groupe. Il constitue sans doute l'album en quartet le plus difficile de toute sa carrière - les albums comme "Ascension", "Om" ou "Meditations" n'étant guère comparables en raison de leur personnel, autrement plus fourni.
"Expression" n'a à mon sens pas la force de "A Love Supreme" et "Meditations" - alors que le matériel enregistré en 1967 avait assez de ressources pour produire un album d'une qualité comparable : il suffit d'écouter les premières plages de "Stellar Regions" ou le fantastique "Interstellar Space" pour s'en convaincre.
En même temps, peut-être qu'"Expression" est ainsi plus fidèle au dernier Coltrane : la prise de risque musicale était alors telle qu'il était tout simplement impossible de maintenir une qualité constante. C'est une des limites du free jazz et de l'improvisation sans filet.
Musicalement, "Expression" est un disque assez varié, mais où la nature de l'accompagnement proposé par Alice Coltrane, et surtout par Rashied Ali voile quelque peu cette diversité. L'absence de structure harmonique, et plus encore de tempo rend les compositions de Coltrane plus uniformes, moins facilement identifiables. McCoy Tyner et Elvin Jones étaient au sommet de leur art lorsqu'ils ont quitté le navire, et les remplacer n'est pas chose facile, surtout pour Alice, dont le jeu se démarque moins de celui de son prédécesseur. Si elle peut faire illusion en temps qu'accompagnatrice, force est de constater que ses soli sont loin d'égaler ceux de McCoy : ils n'ont ni leur puissance, ni leur sombre beauté, ni leur inventivité.
Certains choix de Coltrane lui-même peuvent dérouter : Pharoah et lui délaissent leur ténor sur "To Be", le titre le plus long de l'album, le plus inégal aussi. Inégal... tout en étant fascinant : le thème que Coltrane joue sur la flûte d'Eric Dolphy est habité, tout à fait unique dans sa discographie, et même bien au-delà : difficile de trouver un point de comparaison en 1967. On notera que lors de son solo, Pharoah joue en chantant en même temps, utilisant une technique déjà éprouvée sur "Tauhid" - mais dans un contexte fort différent.
Le reste de l'album est dans une lignée plus proche des autres compositions enregistrées en 1967, notamment "Offering", où Coltrane et Ali se livre un duel titanesque qui préfigure leur session commune de la semaine suivante. Ce titre est à mon sens le plus fort du recueil, celui où les capacités du groupe sont au mieux utilisées, et où la palette d'émotions est l'une des plus impressionnantes de l'histoire de la musique : la violence tellurique de la seconde partie n'a d'égal que le lyrisme des premières phrases.
Selon David Wild, c'est dans la composition brésilienne "Ogunde Varere" qu'"Ogunde" trouve ses origines. Contrairement à la version de "The Olatunji Concert: The Last Live Recording", cette version est très courte. C'est l'une des plus belles ballades d'inspiration free jazz, peut-être en raison du contraste entre les phrases discontinues et les passages d'un lyrisme poignant.
"Expression", la composition, est d'une inspiration voisine de "Sun Star" et "Stellar Regions", mais avec une interprétation moins dense, sans doute parce qu'Alice prend rapidement un solo où la tension retombe quelque peu d'une part. Mais peut-être aussi en raison d'une prise de son où le saxophone de John n'est peut-être pas mis en valeur de la meilleure des manières.
Au final ? Un album perfectible, mais qui n’en demeure pas moins passionnant. Un dépoussiérage des bandes ne serait pas un luxe : comparé à "Stellar Regions", la qualité audio est assez nettement inférieure.
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