Muddy Waters : Electric Mud (1968)
+2
Bloomers
Jungleland
6 participants
Page 1 sur 1
Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Face 1
1. I Just Want To Make Love To You
2. I'm Your Hoochie Coochie Man
3. Let's Spend The Night Together
4. She's Alright
Face 2
1. Mannish Boy
2. Herbert Harper's Free Press News
3. Tom Cat
4. The Same Thing
Personnel :
Muddy Waters - chant
Gene Barge - saxophone
Pete Cosey - guitare
Phil Upchurch - guitare
Roland Faulkner - guitare
Charles Stepney - orgue
Louis Satterfield - basse
Morris Jennings - batterie
"Electric Mud" est peut-être le disque le plus controversé de l'histoire du blues. Projet purement commercial aux yeux des puristes, ces derniers ne voient en "Electric Mud" qu'une tentative pathétique de mettre le blues de Muddy Waters au goût du jour, en sacrifiant l'art du maître du Chicago blues à la mode psychédélique. C'est en effet Marshall Chess, le fils de Leonard Chess (Chess Records), qui est à l'origine du projet. L'album rencontrera d'ailleurs un certain succès commercial : la formule sera reproduite à l'identique sur "The Howlin' Wolf Album" six mois plus tard (mêmes musiciens, mêmes producteurs et même studio). L'album suivant de Muddy Waters, "After The Rain", reprend en 1969 une formule assez proche, sans l’aspect psychédélique. "Fathers And Sons" marquera la fin de l'aventure, Muddy Waters prenant lui-même ses distances vis-à-vis d'"Electric Mud".
Malgré ce désaveu et une réputation détestable, "Electric Mud" est resté un disque culte. Plus surprenant, l'intérêt suscité par "Electric Mud" ne se limite pas au seul cercle des amateurs de rock psychédélique - le public auquel l'album était destiné. C'est avec une oreille intéressée que les amateurs de Miles Davis se sont penchés sur les premiers pas de Pete Cosey, dont la contribution aux derniers albums de la première période électrique de Miles est de premier ordre. A l'inverse des puristes, ils trouvent en général le jeu de Pete Cosey sage, surtout en comparaison des solos complètement free d'"Agharta" et de "Pangaea". Mais c'est Marc Levin qui deviendra le plus fervent défenseur de la cause d'"Electric Mud" : l'album est au coeur de "Godfathers and Sons", un des films documentaires produits par Martin Scorsese en 2004. Le réalisateur trouvait en Chuck D, le leader de Public Enemy, un supporteur indéfectible de l'album de Muddy Waters, n'hésitant pas à mettre The Electrik Mud Kats à contribution dans le cadre du film - dans une performance que je trouve mitigée pour ma part.
Et "Electric Mud" dans tout ça ? Qu'un album soit un disque de producteur n'est pas une mauvaise chose en soi. Parfois ça marche. Parfois non. En l'espèce, "Electric Mud" est surtout un disque inégal, expliquant les avis très tranchés, allant de "nul" à "génial".
"Electric Mud" n'est pas un album de plus de Muddy Waters. Il a une couleur unique, l'influence de Jimi Hendrix étant omniprésente, y compris dans l'utilisation des techniques de studio (Cf. stéréo). Qualifier le disque de commercial est un peu réducteur : les interventions de Gene Barge au soprano sont loin de caresser l'auditeur dans le sens du poil - de même que celles de Pete Cosey, même si son jeu se radicalisera considérablement par la suite. La version de "I Just Want To Make Love To You" est assez réussie, avec un groove bien lourd, qui sert plutôt bien la chanson. Les couplets de "I'm Your Hoochie Coochie Man" sont directement inspirés du "If 6 Was 9" de Jimi Hendrix, aussi bien au niveau de la ligne de basse que de la mélodie.
Mais "Electric Mud" n'est pas pour autant le chef d'oeuvre que certains tentent de nous vendre : contrairement aux albums du Jimi Hendrix Experience, le mariage entre la terre (blues) et l'espace (free) est trop forcé pour que la sauce prenne. "I'm Your Hoochie Coochie Man" est ainsi très inférieur à la version originale de Muddy - mais aussi à la version du Jimi Hendrix Experience enregistrée pour la BBC. Les interventions de Gene Barge au saxophone, pas toujours très juste, n'arrangeant rien. C'est pire encore sur "Tom Cat".
Proposer du matériel original aurait permis de se soustraire à une telle comparaison, mais celui-ci est largement minoritaire ("Herbert Harper's Free Press News" et "Tom Cat"). Muddy reprend le "Let's Spend The Night Together" dans une version fort différente de celle des Rolling Stones, avec un riff largement inspiré du "Sunshine Of Your Love" de Cream. Le résultat est assez médiocre.
"She's Alright" résume peut-être à lui seul l'ambivalence du projet. D'un coté on peut apprécier la violence de la relecture du classique, avec une musique qui lorgne vers un hard rock encore inédit en 1968 et un free défendu... les musiciens étant à la limite de la justesse. En même temps, la reprise instrumentale de "My Girl" qui conclut le titre est à coté de la plaque dans un tel contexte.
Au final ? "Electric Mud" est un peu bancal, mais a le mérite de présenter des relectures originales, inégales mais pas sans intérêt.
Face 1
1. I Just Want To Make Love To You
2. I'm Your Hoochie Coochie Man
3. Let's Spend The Night Together
4. She's Alright
Face 2
1. Mannish Boy
2. Herbert Harper's Free Press News
3. Tom Cat
4. The Same Thing
Personnel :
Muddy Waters - chant
Gene Barge - saxophone
Pete Cosey - guitare
Phil Upchurch - guitare
Roland Faulkner - guitare
Charles Stepney - orgue
Louis Satterfield - basse
Morris Jennings - batterie
"Electric Mud" est peut-être le disque le plus controversé de l'histoire du blues. Projet purement commercial aux yeux des puristes, ces derniers ne voient en "Electric Mud" qu'une tentative pathétique de mettre le blues de Muddy Waters au goût du jour, en sacrifiant l'art du maître du Chicago blues à la mode psychédélique. C'est en effet Marshall Chess, le fils de Leonard Chess (Chess Records), qui est à l'origine du projet. L'album rencontrera d'ailleurs un certain succès commercial : la formule sera reproduite à l'identique sur "The Howlin' Wolf Album" six mois plus tard (mêmes musiciens, mêmes producteurs et même studio). L'album suivant de Muddy Waters, "After The Rain", reprend en 1969 une formule assez proche, sans l’aspect psychédélique. "Fathers And Sons" marquera la fin de l'aventure, Muddy Waters prenant lui-même ses distances vis-à-vis d'"Electric Mud".
Malgré ce désaveu et une réputation détestable, "Electric Mud" est resté un disque culte. Plus surprenant, l'intérêt suscité par "Electric Mud" ne se limite pas au seul cercle des amateurs de rock psychédélique - le public auquel l'album était destiné. C'est avec une oreille intéressée que les amateurs de Miles Davis se sont penchés sur les premiers pas de Pete Cosey, dont la contribution aux derniers albums de la première période électrique de Miles est de premier ordre. A l'inverse des puristes, ils trouvent en général le jeu de Pete Cosey sage, surtout en comparaison des solos complètement free d'"Agharta" et de "Pangaea". Mais c'est Marc Levin qui deviendra le plus fervent défenseur de la cause d'"Electric Mud" : l'album est au coeur de "Godfathers and Sons", un des films documentaires produits par Martin Scorsese en 2004. Le réalisateur trouvait en Chuck D, le leader de Public Enemy, un supporteur indéfectible de l'album de Muddy Waters, n'hésitant pas à mettre The Electrik Mud Kats à contribution dans le cadre du film - dans une performance que je trouve mitigée pour ma part.
Et "Electric Mud" dans tout ça ? Qu'un album soit un disque de producteur n'est pas une mauvaise chose en soi. Parfois ça marche. Parfois non. En l'espèce, "Electric Mud" est surtout un disque inégal, expliquant les avis très tranchés, allant de "nul" à "génial".
"Electric Mud" n'est pas un album de plus de Muddy Waters. Il a une couleur unique, l'influence de Jimi Hendrix étant omniprésente, y compris dans l'utilisation des techniques de studio (Cf. stéréo). Qualifier le disque de commercial est un peu réducteur : les interventions de Gene Barge au soprano sont loin de caresser l'auditeur dans le sens du poil - de même que celles de Pete Cosey, même si son jeu se radicalisera considérablement par la suite. La version de "I Just Want To Make Love To You" est assez réussie, avec un groove bien lourd, qui sert plutôt bien la chanson. Les couplets de "I'm Your Hoochie Coochie Man" sont directement inspirés du "If 6 Was 9" de Jimi Hendrix, aussi bien au niveau de la ligne de basse que de la mélodie.
Mais "Electric Mud" n'est pas pour autant le chef d'oeuvre que certains tentent de nous vendre : contrairement aux albums du Jimi Hendrix Experience, le mariage entre la terre (blues) et l'espace (free) est trop forcé pour que la sauce prenne. "I'm Your Hoochie Coochie Man" est ainsi très inférieur à la version originale de Muddy - mais aussi à la version du Jimi Hendrix Experience enregistrée pour la BBC. Les interventions de Gene Barge au saxophone, pas toujours très juste, n'arrangeant rien. C'est pire encore sur "Tom Cat".
Proposer du matériel original aurait permis de se soustraire à une telle comparaison, mais celui-ci est largement minoritaire ("Herbert Harper's Free Press News" et "Tom Cat"). Muddy reprend le "Let's Spend The Night Together" dans une version fort différente de celle des Rolling Stones, avec un riff largement inspiré du "Sunshine Of Your Love" de Cream. Le résultat est assez médiocre.
"She's Alright" résume peut-être à lui seul l'ambivalence du projet. D'un coté on peut apprécier la violence de la relecture du classique, avec une musique qui lorgne vers un hard rock encore inédit en 1968 et un free défendu... les musiciens étant à la limite de la justesse. En même temps, la reprise instrumentale de "My Girl" qui conclut le titre est à coté de la plaque dans un tel contexte.
Au final ? "Electric Mud" est un peu bancal, mais a le mérite de présenter des relectures originales, inégales mais pas sans intérêt.
_________________
Ayler's Music
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
houla ! pour rester diplomate je vais dire que c'est très très loin d'être un de mes albums préférés de Muddy
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Chronique mesurée, chapeau, car le disque n'appelle pas vraiment à ça...
Si je peux me permettre, ce ne sont pas seulement "les puristes" (terme trop souvent employé pour faire référence aux amateurs de blues, pourtant des "puristes" il y en a partout, même dans le free jazz j'en suis sûr) qui voient en cet album un projet purement commercial: les principaux protagonistes (dont surtout Muddy) aussi.
En complémentd e ce que tu écris, je dirais que le débat sur "Electric mud" (ou les albums de remix de RL Burnside sortis dans les années 2000) n'est pas vraiment de savoir si c'est "commercial" ou pas. On peut parfaitement avoir en tête de plaire au public et faire d'excellentes choses (c'est d'ailleurs le cas sur Chess depuis le début: les frères Chess fondateurs n'y connaissaient rien en blues et étaient là pour faire de l'argent: mais qui oserait dire que les premiers 78-tours de Muddy, Little Walter ou Chuck Berry sont des disques "commerciaux"?). Le tout est de savoir à quel public on s'adresse. Le gros défaut d' "Electric mud" n'est pas de vouloir plaire, mais de vouloir plaire au mauvais public en ce qui concerne la musique de Muddy.
Si je peux me permettre, ce ne sont pas seulement "les puristes" (terme trop souvent employé pour faire référence aux amateurs de blues, pourtant des "puristes" il y en a partout, même dans le free jazz j'en suis sûr) qui voient en cet album un projet purement commercial: les principaux protagonistes (dont surtout Muddy) aussi.
En complémentd e ce que tu écris, je dirais que le débat sur "Electric mud" (ou les albums de remix de RL Burnside sortis dans les années 2000) n'est pas vraiment de savoir si c'est "commercial" ou pas. On peut parfaitement avoir en tête de plaire au public et faire d'excellentes choses (c'est d'ailleurs le cas sur Chess depuis le début: les frères Chess fondateurs n'y connaissaient rien en blues et étaient là pour faire de l'argent: mais qui oserait dire que les premiers 78-tours de Muddy, Little Walter ou Chuck Berry sont des disques "commerciaux"?). Le tout est de savoir à quel public on s'adresse. Le gros défaut d' "Electric mud" n'est pas de vouloir plaire, mais de vouloir plaire au mauvais public en ce qui concerne la musique de Muddy.
eddie- Messages : 744
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Personnellement, j'aime bien ce disque. Certes, ce n'est pas un chef d'oeuvre et l'album est très inégal (certains titres sont totalement ratés). Certes, Gene Barge joue presque constamment à la limite de la justesse. Pour autant, les meilleurs morceaux sont vraiment bons, avec un super groove. Je pense en particulier à I Just Want To Make Love To You ou à Mannish Boy. Qu'il existe de meilleures versions m'importe à vrai dire assez peu. Celles qui figurent sur cet album demeurent infiniment plus attrayantes qu'une multitude de reprises des mêmes titres jouées sans le moindre risque et, pour tout dire, sans réel intérêt. En bref Electric Mud présente l'indéniable qualité de ne pas être un énième disque de blues.
En tout cas, le projet - quelle que soit la valeur de sa concrétisation - me paraît être du plus grand intérêt : il aurait pû en sortir un grand disque, même si tel n'a finalement pas été le cas.
Sinon, l'album me fait penser à certains disques blues récemment enregistrés par James Blood Ulmer, qui réussit toutefois à mon avis mieux dans cet exercice. J'invite donc à aller voir plutôt de ce côté là...
En tout cas, le projet - quelle que soit la valeur de sa concrétisation - me paraît être du plus grand intérêt : il aurait pû en sortir un grand disque, même si tel n'a finalement pas été le cas.
Sinon, l'album me fait penser à certains disques blues récemment enregistrés par James Blood Ulmer, qui réussit toutefois à mon avis mieux dans cet exercice. J'invite donc à aller voir plutôt de ce côté là...
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Il parait que certains fans renvoyaient carrément par la poste leur exemplaire de "Electric Mud" ...
je me range du côté de Ed Blues, je ne trouve pas non plus que Muddy était le client idéal pour ce genre d'experimentation foireuse...
je me range du côté de Ed Blues, je ne trouve pas non plus que Muddy était le client idéal pour ce genre d'experimentation foireuse...
Bloomers- Messages : 2749
Date d'inscription : 15/04/2008
Age : 49
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
edblues a écrit: (c'est d'ailleurs le cas sur Chess depuis le début: les frères Chess fondateurs n'y connaissaient rien en blues et étaient là pour faire de l'argent: mais qui oserait dire que les premiers 78-tours de Muddy, Little Walter ou Chuck Berry sont des disques "commerciaux"?)..
A la grande époque Muddy, Walter etc.. enregistraient avec leur groupes de scènes en studio pas avec des accompagnateurs qui n'avaient pas grand chose a voir avec leur musique.
les frères Chess n'ont pas grand chose a voir avec le succès blues de Chess...c'est pratiquement Willie Dixon le découvreur- arrangeur-compositeur-producteur-accompagnateur de toutes les stars du label...
c'est tout de même autre chose que le fiston Chess...
Bloomers- Messages : 2749
Date d'inscription : 15/04/2008
Age : 49
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
l'album me fait penser à certains disques blues récemment enregistrés par James Blood Ulmer, qui réussit toutefois à mon avis mieux dans cet exercice
Tout à fait, et ce n'est pas un hasard si ça fonctionne mieux avec un artiste comme James Blood Ulmer qu'avec un artiste comme Muddy Waters.
En tout cas, le projet - quelle que soit la valeur de sa concrétisation - me paraît être du plus grand intérêt : il aurait pû en sortir un grand disque, même si tel n'a finalement pas été le cas.
Là aussi je suis d'accord: sur le papier, on peut comprendre combien l'idée pouvait paraître novatrice et séduisante.
Qu'il existe de meilleures versions m'importe à vrai dire assez peu. Celles qui figurent sur cet album demeurent infiniment plus attrayantes qu'une multitude de reprises des mêmes titres jouées sans le moindre risque
C'est là ce qui nous sépare: à ce compte-là, on pourrait faire des versions disco, punk, new wave, variétoche, death metal, grunge, baroque, dance, etc., de "Mannish boy", ça serait des "prises de risque" sensas et ça nous changerait du vieux blues ennuyant dont on a déjà fait le tour mille fois. Sauf que la musique de Muddy perdrait tout son sens, et c'est ce qui se passe (en moins dramatique certes) sur "Electric Mud" (dont en passant le titre en soi est une escroquerie: il jouait exclusivement acoustique, avant, le Muddy?). Sinon, je te rejoins, les innombrables reprises bien calibrées et sans inspiration (sans "risque") de ces titres par tous les groupes de bar du monde ou même par des artistes reconnus, sont chiantes à mourir. Mais c'est rarement le cas lorsqu'un vrai bluesman les interprète, comme Muddy lui-même. Voir "Mannish boy" sur l'album "Hard again" par exemple: ça vit encore.
Quant à la remarque de bloomers sur les accompagnateurs, elle est très vraie et les musiciens sollicités de manière récurrente par le studios Chess dans les années 40 et 50 (les Aces, Robert Lockwood Jr., etc.) étaient familiers de la musique de Muddy, de celle de Howlin' Wolf, de celle de Little Walter, etc. Ils savaient s'adapter à la personnalité de l'artiste (Lockwood par exemple jouait plus jazzy avec Little Walter qu'avec Howlin' Wolf).
eddie- Messages : 744
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
James Blood Ulmer reprend d'ailleurs "I Just Want To Make Love To You" version "Electric Mud" sur "Memphis Blood: The Sun Sessions".edblues a écrit:l'album me fait penser à certains disques blues récemment enregistrés par James Blood Ulmer, qui réussit toutefois à mon avis mieux dans cet exercice
Tout à fait, et ce n'est pas un hasard si ça fonctionne mieux avec un artiste comme James Blood Ulmer qu'avec un artiste comme Muddy Waters.
Je ne suis pas d'accord sur ce point pour une raison très simple : si "Electric Mud" ne fonctionne pas vraiment, ce n'est pas dû au fait que le mariage soit contre-nature. Les disques de Cream et de l'Experience sont là pour nous le rappeler, de même que les bons titres d'"Electric Mud", qui n'est pas un échec complet. Le Jeff Beck Group et Led Zeppelin explorent des contrées voisines.edblues a écrit:Qu'il existe de meilleures versions m'importe à vrai dire assez peu. Celles qui figurent sur cet album demeurent infiniment plus attrayantes qu'une multitude de reprises des mêmes titres jouées sans le moindre risque
C'est là ce qui nous sépare: à ce compte-là, on pourrait faire des versions disco, punk, new wave, variétoche, death metal, grunge, baroque, dance, etc., de "Mannish boy"
La comparaison avec Miles Davis (qui a fait ses débuts en même temps) est à ce titre édifiante. Si Muddy Waters et Howlin' Wolf ont échoué là où Miles Davis a réussi, c'est soit parce qu'ils n'avaient pas l'envie de se remettre en cause, soit parce qu'ils n'en avaient pas les moyens artistiques. A la fin des années 60, Miles aurait très bien pu continuer à jouer dans le style qu'il avait développé dans les années 60, et nul doute qu'il aurait pu y exceller comme Muddy Waters le fera sur "Hard Again". Mais il a préféré prendre des risques, quitte à se planter - ses albums jazz rock ne sont pas tous du niveau de "Jack Johnson".
On peut préférer l'attitude d'un Miles Davis. Ou pas. Ce qui est certain, c'est que Miles a alors publié des chefs d'oeuvre... alors qu'en sortant "Fathers And Sons", Muddy Waters se contentait de gérer son patrimoine.
_________________
Ayler's Music
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Je ne suis pas d'accord sur ce point pour une raison très simple : si "Electric Mud" ne fonctionne pas vraiment, ce n'est pas dû au fait que le mariage soit contre-nature. Les disques de Cream et de l'Experience sont là pour nous le rappeler, de même que les bons titres d'"Electric Mud", qui n'est pas un échec complet. Le Jeff Beck Group et Led Zeppelin explorent des contrées voisines
Mais Ayler, nous sommes bien d'accord! Car n'oublie pas que les disques de Cream, de l'Experience, du Jeff Beck Group ou de James Blood Ulmer ne sont PAS des disques de Muddy Waters et n'essayent pas de se faire passer comme tels. Leur psychédélisme (autrement mieux maîtrisé que sur "Electric mud") ne me gêne nullement, et ne gênait guère Muddy Waters non plus. Ils faisaient leur truc. Le gros problème avec "Electric mud" est qu'il force Muddy Waters à faire le truc de quelqu'un d'autre. Je n'ai pas écrit que le "mariage" est "contre-nature" (je ne reviens pas sur la "nature") et d'ailleurs je disais bien que l'idée pouvait paraître intéressante sur le plan intellectuel, mais que "la musique de Muddy Waters y perd tout son sens". C'est quand même censé être un album de Muddy, non?!
Je ne veux pas dire qu'"Electric mud" est inaudible et musicalement nul ou dépourvu de tout bon moment, dame il m'arrive même d'écouter du Jefferson Airplane, simplement que c'est un album de Muddy Waters où Muddy Waters est comme dépossédé de sa musique. A la limite, qui sait, peut-être aurais-je chanté ses louanges si un autre artiste que Muddy l'avait enregistré?
Muddy Waters et Howlin' Wolf ont échoué là où Miles Davis a réussi
Doucement... Ils n'ont échoué en rien du tout: pour échouer il faut avoir tenté le coup. Or, ni Muddy Waters ni Howlin' Wolf ne sont à l'origine des albums dont on parle, ils ne se sont guère sérieusement impliqués dans leur réalisation, et ne se sont guère souciés de les défendre à leur sortie!
Et la comparaison Miles Davis - Muddy Waters n'a vraiment pas lieu d'être à mon avis... Deux personnages vraiment différents, au vécu différent, à la musique très différente... "Prendre des risques" déjà c'est un mot d'ordre du jazz et je ne vois pas au nom de quoi on pourrait évaluer un musicien avec des critères d'un autre monde. Et d'ailleurs en ce qui me concerne, Muddy Waters a pris pas mal de "risques" dans sa carrière: sa musique a changé quand il l'a électrifiée, puis à nouveau quand il s'est adjoint les services de batteurs urbains et swingants (Fred Below, Francis Clay), etc. Jusqu'à "Hard again", que je trouve très différent du Muddy Waters des années 50: un beat nettement plus rock'n'roll, la guitare de Johnny Winter nettement moins économe que celle de Jimmy Rogers... Enfin bref. J'arrête sinon je vais passer pour le "puriste" de service, si ce n'est déjà fait.
eddie- Messages : 744
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Pour Howlin' Wolf, c'est indéniable. Il semblerait que ce soit plus par la suite que Muddy Waters ait pris ses distances avec le projet, d'autant qu'il a enregistré un second album avec la même équipe.edblues a écrit:Doucement... Ils n'ont échoué en rien du tout: pour échouer il faut avoir tenté le coup. Or, ni Muddy Waters ni Howlin' Wolf ne sont à l'origine des albums dont on parle, ils ne se sont guère sérieusement impliqués dans leur réalisation, et ne se sont guère souciés de les défendre à leur sortie!
Après, quelque soit leur degré d'implication, on ne peut pas supprimer ces disques de leurs discographies respectives : ce serait trop facile. Selon Pete Cosey, Muddy Waters n'était pas si mécontent du résultat...
Oui, bien sûr. Mais il arrive que c'est en sortant des sentiers battus que certains musiciens publient de superbes albums. Un de mes albums préférés de Charles Mingus est un disque où il est seul au piano ! Qui aurait pu penser que c'est avec un disque acoustique qu'Eric Clapton rencontrerait le plus gros succès de toute sa carrière ?edblues a écrit:Le gros problème avec "Electric mud" est qu'il force Muddy Waters à faire le truc de quelqu'un d'autre. Je n'ai pas écrit que le "mariage" est "contre-nature" (je ne reviens pas sur la "nature") et d'ailleurs je disais bien que l'idée pouvait paraître intéressante sur le plan intellectuel, mais que "la musique de Muddy Waters y perd tout son sens". C'est quand même censé être un album de Muddy, non?!
Rétrospectivement, il est facile de dire que le projet n'allait pas fonctionner... que ce n'était pas son truc... mais rien ne dit que Muddy Waters n'y ait pas cru quand il est rentré en studio. Et même lorsque l'album a été publié. Peut-être voulait-il lui aussi faire évoluer sa musique ?
_________________
Ayler's Music
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Ayler a écrit:Pour Howlin' Wolf, c'est indéniable. Il semblerait que ce soit plus par la suite que Muddy Waters ait pris ses distances avec le projet, d'autant qu'il a enregistré un second album avec la même équipe.
Après, quelque soit leur degré d'implication, on ne peut pas supprimer ces disques de leurs discographies respectives : ce serait trop facile. Selon Pete Cosey, Muddy Waters n'était pas si mécontent du résultat...
on enlèverait bien KGB chez Bloomfield et Behind the sun chez Clapton...Muddy a également ses casseroles...
je pense qu'il était surtout interresser par l'aspect financier du projet puisque Phil Chess lui a présenté "Electric Mud" comme un moyen de toucher plus de gens...(après on ne me fera pas croire qu'il avait du feeling pour ce genre de musique, ça s'entend dans son chant d'ailleur, il ne colle pas du tout avec le concept parce qu'il ne sait tout simplement pas chanter autrement ses classiques)
Ce n'était pas la première fois qu'on lui imposait des changements dans sa musique...la tentative de sonner comme BB King sur l'album précédent, Brass & Blues n'avait pas convaincu grand monde...
Ayler a écrit:Oui, bien sûr. Mais il arrive que c'est en sortant des sentiers battus que certains musiciens publient de superbes albums. Un de mes albums préférés de Charles Mingus est un disque où il est seul au piano ! Qui aurait pu penser que c'est avec un disque acoustique qu'Eric Clapton rencontrerait le plus gros succès de toute sa carrière ?
Rétrospectivement, il est facile de dire que le projet n'allait pas fonctionner... que ce n'était pas son truc... mais rien ne dit que Muddy Waters n'y ait pas cru quand il est rentré en studio. Et même lorsque l'album a été publié. Peut-être voulait-il lui aussi faire évoluer sa musique ?
Eric Clapton qui joue du blues acoustique pour MTV...incroyable la prise de risque ! c'est vrai qu'il a du bouleversé ses fans
Dernière édition par Bloomers le 06.05.08 21:07, édité 1 fois
Bloomers- Messages : 2749
Date d'inscription : 15/04/2008
Age : 49
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
tiens "After The Rain" est maintenant également disponible en CD (édition japonaise)...quelqu'un a réelement écouté cet album ?
Bloomers- Messages : 2749
Date d'inscription : 15/04/2008
Age : 49
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Extrait de la bio de Muddy "Can't Be Satisfeid" par Robert Gordon
Phil Chess :
"I came up with the idea of Electric Mud to help Muddy make money. It wasn't to bastardize the blues. It was like a painting, and Muddy was going to be in the painting. It wasn't to change his sound, It was a way to get it into that market"
Pete Cosey :
"I thougt we were going to do a straight blues session when they said Muddy Waters, I came prepared to play the old time blues and found some electronic equipment there. So I hooked up into it and we took off. Muddy didn't have anything to do but be Muddy Waters and everything was swirling around him. He was going around the studio shakin' his head. All through the session he said " I Don't Know, boy, I don't Know". He didn't get upset, or if he did, he didn't let throw thing off. But he was clearly confused."
Muddy Waters :
That Electric Mud record I did, that one was dogshit. Really I was shooting for the hippie with that.
Phil Chess :
"I came up with the idea of Electric Mud to help Muddy make money. It wasn't to bastardize the blues. It was like a painting, and Muddy was going to be in the painting. It wasn't to change his sound, It was a way to get it into that market"
Pete Cosey :
"I thougt we were going to do a straight blues session when they said Muddy Waters, I came prepared to play the old time blues and found some electronic equipment there. So I hooked up into it and we took off. Muddy didn't have anything to do but be Muddy Waters and everything was swirling around him. He was going around the studio shakin' his head. All through the session he said " I Don't Know, boy, I don't Know". He didn't get upset, or if he did, he didn't let throw thing off. But he was clearly confused."
Muddy Waters :
That Electric Mud record I did, that one was dogshit. Really I was shooting for the hippie with that.
Dernière édition par Bloomers le 06.05.08 22:34, édité 1 fois
Bloomers- Messages : 2749
Date d'inscription : 15/04/2008
Age : 49
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Si j'en parle, c'est que je l'ai écouté !Bloomers a écrit:tiens "After The Rain" est maintenant également disponible en CD (édition japonaise)...quelqu'un a réelement écouté cet album ?
_________________
Ayler's Music
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Ayler a écrit:Si j'en parle, c'est que je l'ai écouté !Bloomers a écrit:tiens "After The Rain" est maintenant également disponible en CD (édition japonaise)...quelqu'un a réelement écouté cet album ?
autant pour moi ...tu as écouté le LP ?
Bloomers- Messages : 2749
Date d'inscription : 15/04/2008
Age : 49
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Rippé. Comme je l'ai indiqué : plus hard, moins psyché.
_________________
Ayler's Music
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Bloomers a écrit:tiens "After The Rain" est maintenant également disponible en CD (édition japonaise)...quelqu'un a réelement écouté cet album ?
Aux premières écoutes, il semble que ce soit un bon album, a priori meilleur qu'Electric Mud (en tout cas moins inégal).
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Le dernier numéro de Jazz Magazine classe "Electric Mud" parmi les 24 albums essentiels de 1968 : "Un disque qui ressemble fort à ceux de James "Blood" Ulmer aujourd'hui ! A réévaluer sans tarder, ne serait-ce que pour la présence marquante de Pete Cosey." (Franck Bergerot)
_________________
Ayler's Music
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Ah les classements... Que serait la vie d'un fan de musique sans les classements des journalistes et leurs avis à l'emporte-pièce?
Personnellement, rien que pour le plaisir de voir compléter l'intégrale, je suis pour une réédition de "Electric Mud" en coffret avec "After the rain", l'album semblable de Howlin' Wolf ("the new Howlin' Wolf album", je crois) et les deux ratages all-stars du Super Super Blues Band qui doivent dater de la même époque (je ne sais plus).
On pourrait appeler ce coffret, avec humour, "The complete dogshit sessions". Il serait aussi sans doute intéressant d'y faire figurer des chutes de studio, dialogues entre les musiciens, avec le producteur, etc., pour voir un peu quelle était l'ambiance.
Si un tel produit voit le jour, j'achète!
eddie- Messages : 744
Date d'inscription : 15/04/2008
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Il a lu le forum avant d'écrire son article, ce cher Bergerot...Ayler a écrit:"Un disque qui ressemble fort à ceux de James "Blood" Ulmer aujourd'hui ! " (Franck Bergerot)
Electric Thing- Messages : 2628
Date d'inscription : 15/04/2008
Age : 53
Localisation : Légèrement à gauche de Saturne !
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Si j'ai mentionné l'information, c'est pour deux raisons :edblues a écrit:
Ah les classements... Que serait la vie d'un fan de musique sans les classements des journalistes et leurs avis à l'emporte-pièce?
- Jazz Magazine est un journal sérieux, plutôt mesuré (surtout au regard de la presse rock) ;
- Que ce disque soit ainsi mentionné dans une revue consacrée au jazz est intéressant : l'apport de Pete Cosey n'est pas abordé selon le même angle.
_________________
Ayler's Music
Re: Muddy Waters : Electric Mud (1968)
Ah mais, tu as parfaitement eu raison de mentionner cette info ici!
eddie- Messages : 744
Date d'inscription : 15/04/2008
Sujets similaires
» Muddy Waters : The Muddy Waters Woodstock Album (1975)
» Muddy Waters
» Muddy Waters : Hard Again (1977)
» Muddy Waters : Fathers & Sons (1969)
» Muddy Waters : Folk Singer (1964)
» Muddy Waters
» Muddy Waters : Hard Again (1977)
» Muddy Waters : Fathers & Sons (1969)
» Muddy Waters : Folk Singer (1964)
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum