Re: Keith Jarrett

[Chino]

On ne tousse pas au concert de Keith Jarrett  | Par Francis Marmande

Salle Pleyel, vendredi 4 juillet, 20 h 10, un grand Steinway patiente calmement. A trois mètres, un micro, aussi déplumé qu'un arbre pour mise en scène de Beckett.

Ni enregistrements, ni photos, tout le monde est au courant, on se tient à carreau, Keith Jarrett, cinquante ans d'illustre carrière, fait une entrée détendue. Applaudissements fleuris. Il n'entre pas seul. Il entre, précédé ou suivi de ce qu'il appellera plus tard sa réputation. Ce récital d'improvisation radicale tournera au dialogue vif avec des voix et, pour finir, au départ de l'artiste avant la fin. La fin de quoi, au juste ? Le public payant (les places ne sont pas données) se fait sans doute une autre idée de la fin.

Les choses s'étaient pourtant bien engagées. Ouverture en tierces mineures galopant dans la descente comme dans la montée, avec réponses de la main gauche. Superbe phrasé, superbe son, dernière note très inattendue, vifs applaudissements.  Dans la foulée, en guise de conciliation, une sorte de blues sur un accord. Puis une ballade magnifique : voix, timbres, mélange des intentions, Keith semble libéré Las ! Il interrompt la séquence suivante, pour s'adresser aux tousseurs. Air connu. Car, sur fond de basses pressions, de pollution et de clim, personne ne tousse, mais ça tousse en rond. Jamais du même larynx. C'est là qu'il prend le micro et parle de sa réputation. On le dit capricieux, susceptible et, en un sens, on l'attend à la mesure de cette réputation. On le sait aussi exigeant, cherchant l'impossible, qui plus est, en public. Aprè un petit topo sur « la concentration», il s'assied. Reprise à  fond de trilles, déferlante du thème en croches, on croit entendre une troisième main. Toux. Micro : « Aidez-moi»/ L'appréhension se change en tension palpable. Reprise en force, tout le monde est content. A la mi-temps, les conversations tournent autour de la concentration certes. « oui, mais il exagère! d'ailleurs, « tous les artistes sont plus ou moins fantaisistes etce.

Cette histoire de l'art allègrement refaite autour de verres plutôt chers, le récital reprend. Fugue effrayante, farandoles virevoltantes, petits gémissements, l'espace est soudain rempli. Les toux, elles, bien intégrées. Triomphe. Enchaînement sur une mélodie aussi spontanée qu'évocatrice, et là , misère, un tousseur tousse en toux étrangère. Interruption, échanges d'amabilités en anglais, le pianiste s'en va, désolé. Les conversations s'emballent, une pasionaria tente de lever une armée en sa faveur, etc. Il revient. Nouvel incident, nouvelle disparition, nouveau retour sur le choix qu'il aurait, ceux qu'il n'a pas, « dans ces conditions, je n'ai plus de musique en moi». Fin de partie. Notez que ça nous change des récitals aussi bien huilés que consommés dès la dernère note. Il n'y aura pas de dernière note. Façon de parler : à la sortie, on ne parle que de ça. Sans excès de souplesse, Keith Jarrett remet la musique au centre. La musique et le silence. Jusqu'à  la gêne. Une de ses plus belles compositions anciennes s'intitulait  "Silence./"Concert aussi inachevé qu'une symphonie. Il est 22 h 10.

[Wu wei]

merci de ce partage...
parce que c'est une des rares fois où le journaliste ne juge pas à l'emporte pièce...
du coup, ça fait réfléchir.

[parisino]

Je me dis qu'il a qu'a jouer en quartet ou en quintet, comme ça il n'entendra pas les gens tousser.

De toute façon les places étaient trop cher (pour moi) et si je devais dépenser cet argent (les places allaient de 66 euros à 90 de mémoire) je me prendrais quelques albums du Monsieur et je l'écouterais tranquillement sans pour autant essayer de contenir ma toux.

Merci Chino pour le partage.

[Norbert]

Je me dis qu'il a qu'a jouer en quartet ou en quintet, comme ça il n'entendra pas les gens tousser.

Ou ne plus donner de concert du tout...

[Blueleader]

Dommage, on comptait sur lui pour un concert de soutien aux tuberculeux.

[Wu wei]

Dommage, on comptait sur lui pour un concert de soutien aux tuberculeux.

 

en même temps c'est pour ça qu'on l'aime

[Chino]

J'ai pas su qu'il passait à Paris, sinon, je crois uqe j'aurais fait le déplacement et l'effort financier... Assister à un concert improvisé de Jarrett, ça doit être quand même une expérience incroyable.

Il est très exigeant avec lui et son public, et on n'est pas habitué à ça. Je pense que ça m'énerverait aussi qu'il quitte la scène, mais en même temps, je lui pardonne tellement ce qu'il joue et ce qu'il donne en solo improvisé est immense. 

C'est le risque à courir et le prix à payer pour assister à l'élaboration en direct d'une oeuvre d'art.

[Blueleader]

Il est très exigeant avec lui et son public, et on n'est pas habitué à ça. Je pense que ça m'énerverait aussi qu'il quitte la scène, mais en même temps, je lui pardonne tellement ce qu'il joue et ce qu'il donne en solo improvisé est immense. 

j'en plaisante un peu mais je comprends qu'un pianiste plongé dans son impro puisse se trouver complètement déstabilisé par des toux intempestives. Dommage que pour le coup sa réaction trouble plus le concert que les tousseurs incriminés.

A venir ? :

[parisino]

   Vous êtes trop marrant !!

[upfromtheskies]

Bloulou a toujours quelque chose d'intéressant (et drôle!) en magasin...

     

[upfromtheskies]

Ceci dit, Coltrane ne faisait pas tant d'histoire pour jouer. Et il était pas moins artiste que Keithy.

[parisino]

Ceci dit, Coltrane ne faisait pas tant d'histoire pour jouer. Et il était pas moins artiste que Keithy.

+1 Tout a fait d'accord !

[Wu wei]

et il parait que patrick sébastien se fout quand on tousse à ses shows, et il est un grand artist... ha ben non ça marche pas.

[Chino]

La dramatique leçon d’improvisation de Keith Jarrett

[Blueleader]

La dramatique leçon d’improvisation de Keith Jarrett

ça nous fait quoi, une petite centaine d'Euros pour un peu plus d'une heure et un coïtus interruptus...

tsss, même les Stones 2014 en donnent plus pour le prix.... 

[vincent]

euh je vais pas donner mon avis car je vais pas être très très gentil... Un mot...


Respect...

[Karpof]

j'ai jamais vu ce qu'il y avait de transcendant dans le jeu de cet artiste pour ma part..   


et qu'on ne vienne pas me dire qu'il est un "génie auto-proclamé" - un jeu et un artiste qui me laisse totalement indifférent.

[Chino]

La dramatique leçon d’improvisation de Keith Jarrett

ça nous fait quoi, une petite centaine d'Euros pour un peu plus d'une heure et un coïtus interruptus...

tsss, même les Stones 2014 en donnent plus pour le prix.... 

Tu parles en terme de consommateur: à Antibes en 1965, Coltrane n'a joué qu'à peine une heure pour interpréter la suite A Love Supreme. Il est parti et s'est fait huer. Fallait-il qu'il joue 2 heures?

Mais terme de quantité, vaut mieux effectivement aller voir les Stones.

Pour ma part, c'est la qualité qui m'intéresse, et je préfère payer 100 euros pour aller écouter Keith Jarrett jouer (même qu'une heure) une musique créée spontanément avec une immense prise de risques dans une belle salle de concert, que d'aller voir (pour presque le même prix!) un groupe bancal sur l'écran géant d'un stade de foot.

Après, je comprends parfaitement qu'on puisse ne pas aimer Jarrett ou être agacé par ce qui peut être considéré comme des caprices de diva. Mais quand on s'intéresse de plus près au bonhomme, à sa carrière, on s'aperçoit qu'il a toujours été très intègre, qu'il a toujours refusé les compromis, même avec son public.

Jarrett est extrêmement pointilleux, méticuleux, maniaque, obsessionnel. Et il estime que l'effort énorme demandé par le processus de l'improvisation totale exige des conditions particulières, qu'il consigne sur un contrat pour la partie préconcert, et qui se traduit aussi par des exigences envers le public, ce qui est très mal vu. On ne doit pas être exigeant envers le public. Le public paye, et il estime que le musicien est redevable.

 "Le client est roi", pense souvent le public. Jarrett ne pense pas comme ça, il estime que pour donner le meilleur de lui-même, pour créer en direct, il y a des choses rédhibitoires: photos, toux, portables etc, et si ça arrive, il s'arrête. Non pas par caprice, mais parce que réellement, le processus est brisé, la magie s'est envolée. Il ne peut plus.

Le public n'est pas pris au dépourvu: tout ça lui est annoncé dès le départ.

Alors bien sûr, pour plaire au public, il pourrait faire semblant, jouer, mais ça serait trahir sa quête d'absolu. Au passage, vous connaissez beaucoup de jazzmen qui s'arrête au milieu d'un morceau et qui disent "je m'arrête car là c'est de la redite"? Quelle remise en cause de lui-même pour une soi-disant diva, et beaucoup feraient bien de s'en inspirer.

D'autant que Jarrett a fait bien de plus de concerts sans quitter la scène avant la fin que de concerts où il est parti précipitamment, mais médiatiquement, ça fait plus de bruit.

Alors je serais sans doute le premier à être énervé d'un départ précipité de Jarrett, mais je serais énervé par les personnes qui toussent ou qui parlent, pas par Jarrett, dont je pense sincèrement qu'il a besoin de ces conditions et de cette tension pour donner le meilleur de lui-même et pour être fidèle à son objectif d'improviser en absolue liberté. Et la liberté, ça ne s'achète pas.

[vincent]

Mouais... Jarret ne tousse jamais?

[Blueleader]

j'étais sûr que tu apprécierais le parallèle avec les Stones     

J'aime Jarrett, c'est un Grand, il n'y a aucun doute là-dessus; mais attention on parle de musique 'live' et des aléas que cela peut engendrer. Autant de péripéties que les musiciens qui veulent partager sur scène intègrent parfaitement.

Eviter photos, portables, c'est une simple question de bon sens et de correction envers l'artiste, mais le rappeler est souvent nécessaire.
Pour le reste, Jarrett pourrait peut-être envisager de jouer avec un casque ou des oreillettes et un retour/piano réglé finement ?
Parce que si on commence à virer les asthmatiques, les chaises qui couinent, les avions qui passent, autant improviser en absolue liberté
mais seulement en studio...
ce qui serait très dommageable pour le jazz je trouve.

[Chino]

ça c'est une vraie question. Ce qu'il faudrait déterminer, c'est en quoi le public est-il nécessaire pour lui dans le processus d'improvisation. Est-ce que la présence d'un public lui est nécessaire pour se surpasser dans l'improvisation, ou pourrait-il faire la même chose en studio? Je n'en sais rien.

En fait, je ne sais pas quel intérêt a le public pour Jarrett. J'ai le sentiment qu'il en a besoin comme stimulant, comme motivation, mais je ne sais pas quelle interaction il a avec le public. Il dit que le lieu, le piano, le contexte est hyper important, mais je ne sais pas ce qu'il en est en ce qui concerne les spectateurs. Sont-ils indispensables pour lui? Pas forcément: Facing You a été enregistré en studio, Book Of Ways aussi (au clavecin). Et en même temps, ses plus grandes oeuvres improvisées étaient dans le contexte du concert.

Il faudrait trouver une interview de Jarrett où il évoque son rapport avec le public. Je vais chercher ça!

[vincent]

peut être que les gens payent pour ses concerts??? non??? 

[Chino]

peut être que les gens payent pour ses concerts??? non??? 

C'est sûr, mais il n'a pas besoin de ça pour gagner sa vie je pense!

[Blueleader]

Il fait des tournées, c'est qu'il aime ça (et nous aussi) et qu'il y trouve son compte en tant qu'artiste et créateur.
Je n'ose pas imaginer qu'il fasse ça pour l'argent !!!        
Non ?

[Chino]

Il fait des tournées, c'est qu'il aime ça (et nous aussi) et qu'il y trouve son compte en tant qu'artiste et créateur.
Je n'ose pas imaginer qu'il fasse ça pour l'argent !!!        
Non ?

Oui, tout à fait d'accord, c'est pas le genre de la maison!

[Blueleader]

Tu me rassures, parce que sinon je retourne écouter les Stones. Au moins je sais à quoi m'en tenir.  

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